Cinquante ans après sa mort, le 4janvier 1960, dans un accident de voiture en métropole, Albert Camus suscite toujours la polémique en Algérie, son pays d'origine.



Les historiens, les écrivains et les journaux restent partagés sur l'oeuvre d'AlbertCamus et son rôle durant la guerre d'indépendance. Les nationalistes et les conservateurs reprochent à l'écrivain pied-noir de n'avoir pas été à l'avant-garde de la lutte de libération nationale contre la France. Officiellement, l'écrivain avait choisi «sa mère à la justice», en référence à la phrase prononcée par Camus après l'obtention du prix Nobel en 1957: «J'aime la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice». «Cette phrase, on la lui reprochera jusqu'à la nausée, comme si elle avait anéanti tous ses discours et ses prises de positions passées en faveur des Arabes», remarque le journaliste Mustapha Chelfi dans une tribune publiée lundi dernier par le Quotidien d'Oran à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de la disparition d'AlbertCamus. L'historien Belaid Abane estime que Camus était «un colonialiste», un «philosophe à la posture communautariste», qui a assisté «bouche cousue» au martyr du peuple algérien. Camus était «englué dans le cliché raciste de l'Arabe égorgeur», écrit Belaid Abane dans le quotidien francophone ElWatan.

Oublié au plan national...

L'auteur de «L'Étranger» et de «La Peste» est complètement ignoré au plan officiel en Algérie. Aucune rue, ni place, ni édifice public ne porte son nom. Aucune indication sur la maison où il avait grandi, chez sa grand-mère maternelle, au 124, rue Belouizdad, à Belcourt, quartier populaire d'Alger. Une partie des archives de l'écrivain se trouve toujours à l'ex-maison d'édition Charlot située rue Hamani (ex-Charas) dans le centre algérois, transformée en médiathèque.

... mais des livres qui se vendent

Les critiques contre AlbertCamus ne font pas l'unanimité en Algérie. L'écrivain y compte des lecteurs et des défenseurs. «On ne peut pas taxer Camus de colonialiste. C'était un humaniste et un enfant de l'Algérie. Il fait partie de notre patrimoine culturel», estime Boussad Ouadi, libraire à Alger et directeur des éditions Inas. Dans les librairies, les livres de Camus se vendent toujours. «Ses livres, notamment ?L'Étranger? et ?La Peste?, sont toujours demandés, mais rien n'a été fait pour sauvegarder les archives et la mémoire de cet écrivain», déplore Boussad Ouadi. Pour l'éditeur Sofiane Hadjadj (éditions Barzakh), Camus fait pourtant partie du patrimoine culturel algérien.



Source: Le Tetelegramme