Chômage, pauvreté, manque de planification de l’environnement urbain. Ces clichés collent à Saint-Michel, l’un des quartiers les plus défavorisés de Montréal selon Statistique Canada. Toutefois, depuis deux ans, la communauté maghrébine du district de François-Perrault essaye de transformer positivement le visage du secteur.


Installé depuis dix ans à Saint- Michel, Nacer Boudi ne cache pas ses ambitions quand il s’agit du district de François-Perrault : « Notre objectif est de faire de ce quartier un pôle d’attraction touristique.  » Ce qui rend le fondateur de l’Association Petit Maghreb si confiant, ce sont les récentes transformations sociodémographiques qui se sont opérées dans le quartier. « Avant, c’était un peu un mélange d’Italiens, de Québécois, de Latinos. Mais de plus en plus, il y avait des Maghrébins. » Aujourd’hui, plus de la moitié des 105 commerces du quartier sont la propriété de ressortissants du Maghreb. Par exemple, sur Jean- Talon Est, entre Saint-Michel et Pie-IX, se trouvent trois pâtisseries. Patronne de l’une d’entre elles, Karima Abazi, une Algérienne de 40 ans, vit au Canada depuis quatre ans. Ouvrir son commerce à Saint-Michel était une évidence : « On a choisi Saint-Michel parce que c’est ici que la communauté arabe maghrébine est la plus nombreuse. C’est vraiment positif pour le commerce, car il y a beaucoup plus de clients. »

Un parfum d’Afrique du Nord

« Quand j’ai vu qu’il y avait cet élan, je me suis dit : c’est le moment de s’organiser », explique Nacer Boudi. C’était il y a quatre ans. Prenant comme modèle le quartier chinois ou la Petite Italie, M. Boudi a fait part à Anie Samson, la mairesse de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, de son souhait de créer un quartier maghrébin à Montréal.

Mme Samson s’est alors engagée à aider les commerçants du quartier. Cela a commencé par la fondation de l’Association Petit Maghreb en 2007. « Ensuite, il fallait créer des évènements pour donner de la visibilité à la communauté », explique Mme Sanson. De là, est venue l’idée d’organiser en 2008 un premier souk. Ce type d’évènement a une dimension inclusive dans la perspective de faire du Petit Maghreb la vitrine du multiculturalisme de Saint- Michel. « Je ne veux pas que ce quartier soit seulement celui des Maghrébins, mais aussi celui des Montréalais. On veut en faire un lieu ouvert », soutient Mme Samson.

Le nouveau visage du quartier ne plaît cependant pas à tous les habitants. Elle Augear, 74 ans, vit à Saint- Michel depuis 30 ans. « Je ne suis pas trop d’accord avec le fait que l’on ait baptisé le quartier, Petit Maghreb », dit-elle. Le caractère bigarré la dérange. « On est trop disparate. Il y a beaucoup trop de communautés et je n’aime pas ça. Ce n’est pas assez homogène. » Elle Augear n’est pas la seule à être mécontente. Jacques Vaillancourt habite Saint-Michel depuis 22 ans. Pour cet homme de 75 ans, le quartier change trop vite. « C’est trop à la fois. Il n’y aura plus de Québécois bientôt. » Il ne se reconnaît plus vraiment dans son environnement : « J’ai un peu l’impression de ne plus être chez moi. »

Intégrer la diversité

Tous les habitants ne partagent pas cet avis. Il y a deux ans, Mario Gagné a acheté une maison dans le quartier. Il est enchanté de la tournure des évènements. « Je suis content d’habiter ici car je suis un citadin, j’aime la ville, affirme l’homme de 58 ans. Et puis, pour moi, une ville, il faut que ce soit cosmopolite. » Comme lui, les habitants du quartier qui ne sont pas Maghrébins fréquentent sans problème les commerces. « Je travaille dans une pâtisserie, raconte Taous Ait-O. Il y a beaucoup de Québécois qui viennent puis qui achètent. Ils aiment la cuisine maghrébine », affirme l’adolescente de 16 ans. Ses parents sont Algériens. Avant, ils habitaient à Rivière-des- Prairies, mais ont décidé de déménager dans le quartier il y a quatre ans. « Habiter ici, dans le Petit Maghreb, ça rappelle un peu chez nous », explique Taous.

Pour Nacer Boudi, le fondateur de l’Association Petit Maghreb, la création de ce quartier doit permettre de « renforcer la diversité culturelle montréalaise et affirmer la présence maghrébine à Montréal dans le sens positif. » L’édition 2009 du souk a rassemblé près de 5000 personnes, alors qu’il y a eu peu de publicité pour en annoncer la tenue. « La promotion du quartier se fait par bouche-à-oreille. C’est un des signes du succès du Petit Maghreb », assure la mairesse Anie Samson.

Le dynamisme de la communauté maghrébine n’est pas passé inaperçue. En juin 2009, la Ville de Montréal a accordé 40 000 $ à l’Association du Petit Maghreb dans le cadre du volet commerce du Programme réussir à Montréal (PRAM). Pour Nacer Boudi, il s’agit là d’une récompense pour les efforts déjà fournis. Mais il en reste encore beaucoup à faire. « Cette somme est destinée à financer les bureaux d’études et les experts qui vont permettre de mettre en place et développer un projet de revitalisation du quartier. » L’objectif est de créer un cachet visuel transmettant la culture maghrébine en installant, par exemple, des arches à l’entrée du quartier ou en repensant les infrastructures de la rue Jean- Talon Est.

Saint-Michel est l’un des quartiers les plus multiethniques de Montréal : 42% de sa population est née hors du Canada, dans le reste de Montréal ce sont 28 %. Comme le rappelle Anie Samson, la mairesse de l’arrondissement de Villeray-Saint- Michel-Parc-Extension, « on y parle plus de 103 langues ». Mais, depuis quelques années, l’arabe se fait entendre de plus en plus dans les rues du quartier. Les immigrants en provenance du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie sont presque 200000 à Montréal. Cette population a considérablement augmenté entre 2001 et 2008 avec l’arrivée de 63000 personnes. La moitié d’entre elles se serait installée à Saint-Michel.

Source: http://quartierlibre.ca/Inch-Allah-le-Petit-Maghreb-s