Aujourd’hui, nous te remémorerons et te pleurerons encore et encore.  Je sortirai la nuit, j’émergerai dans la cour après que les oiseaux se soient couchés, après que les bébés aient eu leurs dernières tétées, après que la lune ronde et éclairée  illumine mon chemin.  Je prendrai cette voie et suivrai ta voix timbrée que je garde soigneusement dans ma propre mémoire à moi.


Khalti, je ne me suis jamais agenouillé  pour  me plaindre ou pour tout autre chose que tu ne désirais pas entendre, mais je l’ai fait pas mal de fois pour te raconter mon bonheur et  mon vaste bien-être.  Tu avais un plaisir grandiose à m’écouter, mais ce soir, à contre-courant, je vais le faire pour l’autre chose, l’autre revers de la médaille que je me suis bien tâché de cacher pendant tant d’années.

Khalti, je ne peux pas continuer à ne te raconter que les péripéties que tu vénères.  Je faisais des efforts en décorant toutes les histoires par des mensonges et je mystifiais les récits en contes romancés.  Je comprenais que tu n’as jamais été dupée par mes propos mais tu croyais à la réalisation du scénario imaginaire.

Khalti, je m’ennuie de toi, de ton sourire, de ton écoute et de ta compréhension.  Tu me manques beaucoup et énormément.  Ta présence, bien que  lointaine, était quand-même un soutien vertueux pour mon moral.

Mimi, ou comme tu préférais l’appeler, El-Hadja Meriem, s’ennuie beaucoup de toi et elle en veut à ses parents de l’avoir eu aussi tard.  Elle aurait voulu être née plus tôt que prévu par  son destin.  Elle voulait vivre l’instinct de la grand-maman, sentir ses effluves, caresser sa présence, cajoler et câliner son existence, …

Je ne te parlerai pas d’Ilyes, ton boute-en-train préféré.  Tous ces mois passés, il n’a pas réussi à faire son deuil.  Il vit toujours dans les souvenirs et il t’interpelle à chaque occasion.  Dans ses rêves, dans ses moments de solitudes et même dans ses projets d’école.

Que dis-je de l’ainé, Amine le renfermé?  On ne saura jamais ce qu’il ressent.  Comment  vit-il son deuil ?  Ce dont je peux témoigner et confirmer, est qu’il est vraiment triste et perdu dans les limbes.

En fin de compte, non et pas du tout.  Je ne te raconterai pas la face cachée de la vérité, je préfère me taire et te laisser tranquille dans ta vie de l’au-delà.  Toutefois, je t’implorerai et solliciterai seulement, étant donné que tu es plus proche du bon Dieu, de me revendiquer une infime quantité de persévérance constante afin de continuer mon chemin ou au pire, le courage vaillant de braver et d’affronter l’haïssable licite.

Je ne voulais pas et j’aurais souhaité ne pas entamer le sujet avec toi, car si je l’aborde ou l’amorce à peine, mon corps subira  d’énormes effets secondaires.  Très chère tante, depuis que tu  es partie, une tumeur corrélative m’a atteint.  J’ai subi une moralothérapie (nouveau mot) et des interventions amicalothérapeutiques (un autre nouveau mot) afin que je continue d’exercer mon impuissance de la verdeur.

Repose en paix et dans la sérénité.  Repose aux côtés de la très chère mémère, dada.  Elle me manque énormément, son café corsé fait à l’ancienne aussi et autant, sa façon de compter l’argent par nombre de cent.

Repose en paix et ne t’inquiète surtout pas de mon sort.  C’est sûr et certain que le bon Dieu se tournera vers moi et me donnera l’orientation vers la lueur de l’issue de ma crise éternelle.  Sache-bien chère tante que ma vie sans la vie n’est nullement pas une belle vie.

 

 

NB: Le titre a été inspiré du nouveau roman d’Anouar Benmalek, Tu ne mourras plus demain