Ces jours-ci, je suis tout ému. Pour vous dire, j’ai les larmes aux yeux, ce qui ne m’empêche pas pour autant de regarder les nouvelles à la télé. Et celles-ci sont tragiques. Surtout une : Les journalistes du Journal de Montréal sont en lock-out.

Par un froid glacial, ils protestent sur la place publique. Arborant des pancartes, ils manifestent leur désapprobation du peu de compréhension de la part de leur employeur. Ils ont même rejeté en bloc la dernière offre de Péladeau Jr.  Pourtant, nombreux sont ceux qui, au Québec comme ailleurs, seraient heureux de tant de sollicitude de la part de leur patron. La récession qui pointe déjà à l'horizon devrait être bonne conseillère. À force de voir les usines fermer l’une après l’autre, la présente manif pourrait tourner court. Les journalistes sont toujours bien informés dit-on…On verra si ceux du Journal de Montréal constituent une exception à cette règle…

Il ne faut pas être un spécialiste en démographie pour se rendre compte que le noyau de protestataires ne reflète nullement la société québécoise telle que nous la connaissons: diversité et couleurs y sont exclues! Excusez, j’ai relevé la présence d’un représentant des minorités "invisibles"; un seul (sic!) en la personne d'un Français pure laine, de surcroît portant un nom d'aristocrate, un truc comme "de machin". Initialement, il m’a semblé qu’on a envoyé sur la place publique uniquement les plus résistants aux températures sibériennes, mais ce n’est que plus tard que j’ai appris que la rédaction du quotidien montréalais est, ethniquement parlant, la copie conforme du groupe rassemblé dans la rue. Une situation anachronique et intolérable dans une métropole censée être multiethnique…

Cela me rappelle ce directeur d'une entreprise bien d’ici auquel j'avais posé l'inévitable question: « Combien avez-vous d'employés issus de l'immigration au sein de votre direction. » Je vous laisse deviner sa fierté, en me lançant que l'un d'eux venait de l'étranger. A ma surprise, l'intrus en question rencontré dans le couloir s'est avéré être un Bourguignon de souche. Autrement dit, un cousin lointain!

Corporatisme à part, comment voulez-vous que le sort d’un groupe de journalistes, qui clament haut et fort qu'ils se battent contre la convergence et pour la qualité rédactionnelle, puisse m'attrister? En passant, la qualité a très souvent fait défaut au Journal de Montréal. Ces scribes en colère devraient tout simplement se rendre à l'évidence que le monde de l'information se démocratise. L’arrivée de la presse gratuite en est une preuve éclatante. Même le richissime Péladeau Jr. ne peut rien contre la déferlante Internet (les propriétaires du quotidien The Gazette en savent quelque chose) et le vieillissement du lectorat de sa publication fleuron. La période des vaches maigres ne fait que commencer pour les médias conventionnels. Étrangement, on ne fait rien pour recruter de nouveaux lecteurs.

Le client est enfin roi. C'est lui qui décide quoi manger ou boire. Idem pour sa lecture quotidienne. Et les immigrants ont fait le choix de ne pas lire ceux qui les boudent et leur refusent des emplois dignes de leurs compétences. Pourquoi renflouer les caisses de ceux qui vous ferment toutes les portes? Dans le jargon diplomatique, cela s'appelle la loi de réciprocité.

Arezki SADAT
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