Québec verse 555 500 $ par année en subventions à une école musulmane controversée de Montréal qui se réclame de la philosophie des Frères Musulmans, un groupe intégriste qui milite pour l’instauration de gouvernements islamistes et qui a donné naissance au Hamas en Palestine. Critiquée par plusieurs pour cette affiliation, l’institution a ouvert ses portes à Rue Frontenac afin de contrer ce qu’elle qualifie de « paranoïa ».



« J’initie mes élèves à la tolérance plus que dans une école publique », déclare avec assurance Lazhar Aissaoui, directeur de l’École Dar Al Iman, à Saint-Laurent.

Le directeur est calme, souriant, dans son complet gris. Il fait visiter son établissement avec plaisir et permet au photographe de Rue Frontenac de multiplier les clichés à sa guise. Les enseignantes, la tête enveloppée d’un foulard islamique, regardent les visiteurs d’un œil amusé.

Lazhar Aissaoui veut montrer qu’il n’a rien à cacher. Il sait que son école a ses détracteurs. Comme elle le précise sur son site Internet, l’école Dar Al Iman est affiliée à la Muslim Association of Canada (MAC), un organisme de bienfaisance musulman. Lazhar Aissaoui siège sur le conseil d’administration de la MAC, qui a déclaré des avoirs nets d’environ 16 millions de dollars et des revenus de 9 millions  en 2009, selon l’Agence du revenu du Canada.

La MAC indique sur son site Web qu’elle trouve ses origines dans « la renaissance islamique du début du XXe siècle, culminant dans le mouvement des Frères Musulmans ».

« Ce mouvement a influencé les activités, tendances et discours intellectuels islamiques à travers le monde, incluant ceux des Musulmans qui sont venus au Canada en quête de liberté, d’éducation et de meilleures opportunités », ajoute la MAC. Or, s’il demeure tout à fait légal au Canada, le mouvement des Frères Musulmans est très controversé au sein de la communauté musulmane.

Interprétation libérale du Coran

Prônant une interprétation littérale du Coran et une islamisation complète de la société, il a donné directement naissance au Hamas palestinien, un groupe qui a multiplié les attentats-suicides et les attaques contre les mouvements palestiniens laïcs.

Le fondateur du Congrès musulman canadien, l’auteur Tarek Fatah, est outré qu’une école se réclamant des Frères musulmans soit subventionnée par l’État québécois. « C’est malheureux que les dollars des contribuables les financent. Nous devrions être inquiets. La MAC n’est pas une organisation religieuse, c’est une organisation politique. Ils sont contre la civilisation occidentale et l’essentiel de leur philosophie est antisémite, anti-gais et anti-femmes », s’insurge-t-il.

« Ils ont pris la religion et en ont fait une affaire politique, dénonce de son côté Salma Siddiqui, vice-présidente du Congrès musulman canadien. Ils croient à une idéologie islamiste très forte et ils veulent l’importer ici. »

En entrevue, le directeur de l’école, Lazhar Aissaoui, répond du tac au tac à ce qu’il considère comme des accusations injustes et paranoïaques du Congrès musulman canadien.« Nulle part au monde les Frères Musulmans ne sont considérés comme des terroristes, sauf par Tarek Fatah », s’indigne-t-il.

Il ajoute que son organisation n’entretient aucun lien « organisationel » avec les Frères Musulmans, même si elle partage leur philosophie et leur vision de la religion. « Nous ne sommes pas les Frères Musulmans, mais ça ne veut pas dire qu’on a quelque chose contre eux », résume-t-il Lazhar Aissaoui condamne le terrorisme en précisant que les attentats du 11 septembre étaient un crime horrible et que « le crime n’a pas de religion ».

Lorsqu’on l’interroge sur sa volonté d’un État et de tribunaux islamiques, il se montre plus agacé. « Pourquoi avancer cette question ici ? Il n’est pas question d’appliquer ou de transposer cela au Canada. Ça, c’est pour les pays musulmans », dit-il. « Ce qu’on dit à nos membres, c’est commencez par être de bons musulmans, vous et votre famille. Comme la société est formée d’un ensemble de familles, la société va devenir musulmane », explique le directeur.

Permis du ministère de l'Éducation

Il explique que les 238 élèves de l’école Dar Al Iman suivent rigoureusement le programme pédagogique du ministère de l’Éducation, qui prévoit 25 heures de classe par semaine. L’école y rajoute deux heures de langue arabe, une heure d’études islamiques, une heure d’étude du Coran.

Le ministère de l’Éducation confirme que l’établissement a été agréé comme école privée admissible au financement de l’État depuis 2006-2007 pour le cours primaire, et depuis 2007-2008 pour le préscolaire. Elle reçoit un peu plus d’un demi-million de dollars par année.

« C’est important de savoir que la MAC n’est pas titulaire d’un permis du ministère pour l’enseignement privé. Le titulaire du permis est vraiment l’Institut pour l’enseignement Dar Al Iman, et c’est au titulaire du permis que le ministère verse la subvention, pas à la MAC », précise le porte-parole Simon Fortin.

Avant d’être accrédité, l’institut qui gère l’école au nom de la MAC a dû démontrer son respect des normes pédagogiques québécoises, ajoute le porte-parole. Mais les fonctionnaires devraient pousser plus loin leurs vérifications, suggère l’ancien cadre du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) Michel Juneau-Katsuya.

« J’imagine qu’ils sont quand même surveillés par le SCRS qui ne fera pas abstraction du passé des Frères musulmans. Ils ne représentent peut-être plus une perspective aussi dure et radicale qu’avant, mais ils continuent de préconiser une perspective très islamiste de la société. Le fait qu’ils reçoivent de l’argent pour une école, cela devrait interpeller les fonctionnaires », dit-il.


Source: RueFrontenac