Rencontré à la Maison de la culture de Tamanrasset, Rabie Ben Mokhtar nous explique son vieux nouveau projet intitulé Tin Hinan. Il vient juste de donner le premier coup de manivelle. Il nous explique que «le projet date au moins de 20 ans, et qu’il avait été présenté, à l’époque, à la commission du Caaic. Malgré l’avis favorable qu’il a reçu, le film n’avait pu se réaliser, à cause du financement qui n’avait pas suivi. Il a fallu attendre 2007, pour que le fonds d’aide à la création soit réhabilité et le projet ressuscité». M.Rabie Ben Mokhtar précise que «la légende touarègue ne fournit pas de précisions concernant la vie de Tin Hinan. Sans doute est-ce là le propre de la légende, qui ne décrit le personnage qu’à grands traits, laissant l’imaginaire collectif développer ultérieurement tout ce qui se rattache au mythe?» Ajoutant que «les recherches archéologiques et anthropologiques, menées à Abalessa où se trouve la sépulture de Tin Hinan, n’ont pas, non plus, éclairé tout à fait le mystère. Depuis ces fouilles, l’imaginaire humain s’est penché sur le mystère de Tin Hinan et, partant, sur l’origine des Touareg. La littérature, la poésie, le chant, la peinture, le cinéma se sont emparés du sujet.» A partir de ce legs oral, plusieurs questions surgissent: «Qu’en est-il de la réalité? Pourquoi la noble dame a-t-elle quitté le Tafilalet? Comment est-elle arrivée à l’Ahaggar? Comment a-t-elle pu s’établir à Abalessa? Comment est-elle arrivée à se faire reconnaître comme reine des tribus nobles touarègues?» «A toutes ces questions, seule l’imagination, dans l’état actuel de la recherche, peut offrir des réponses», a déclaré notre interlocuteur. Dans le synopsis de ce long métrage, le réalisateur le conçoit de la légende à la fiction: fuyant le pays natal, Tin Hinan avance dans le désert, en direction de l’Ahaggar.
La caravane, hâtivement formée à la suite de la défaite de sa tribu, face à de terribles envahisseurs, traverse bien des épreuves, n’ayant plus de compagnie que Takamat, sa fidèle suivante et Mehawa, son guide. Ensemble, ils s’accrochent à leur chameau de bât chargé de leurs derniers vivres. Le chemin est long et semé d’embûches. Au cours d’une tempête de sable, le vent emporte le chameau de bât. Désormais, ils devront affronter la faim et la soif...C’est dans une grotte, au cours d’une halte, pendant la tempête de sable que Tin Hinan fera un songe au cours duquel l’ancêtre mythique lui révèle une partie de son avenir. Finalement, c’est presque mourante, après un affrontement avec des chasseurs, qu’elle arrive chez les Kel Ahaggar, où la mort du roi, l’Amenokal Ag Aumeris, a laissé le champ libre aux intrigues de la guerre. Parmi les nombreux prétendants, deux hommes en particulier vont être mis en avant par les événements: Amastan et Amayas.
Entre Amastan et Tin Hinan, l’entente prime et la passion naît. Mais une jeune femme jalouse, Tinert, fille du défunt Amenekal, va intervenir pour essayer de briser cette relation et reconquérir Amastan pour régner à ses côtés. Entre Amastan et Amayas, dont le frère Chikka a été tué pour avoir violé les lois de l’hospitalité, la discorde va les mener au combat. Tin Hinan, grâce à sa bravoure et son esprit de paix, aura à intervenir pour arrêter la guerre et rétablir la concorde après un combat contre Amayas, dont elle sortira victorieuse. Avec Amastan, elle écartera à jamais le spectre de la haine et de la discorde entre les tribus. Ils obtiendront ainsi le tobol, symbole de l’autorité suprême, et règneront sur le peuple du désert. M.Rabie Ben Mokhtar a mis en avant les problèmes financiers auxquels il fait face. «Le budget n’est pas à la grandeur du projet, d’autant qu’il est donné par tranche, mais du moment que le film me tenait à coeur, il fallait assumer ses engagements, sinon il y aurait eu des risques et le film n’aurait jamais vu le jour», a déclaré le réalisateur.
Etant ou devenu mythe, Tin Hinan fonctionne comme symbole et matrice de toutes les légendes touarègues ultérieures. «C’est une fiction où l’imaginaire occupe une place prépondérante et le film s’en réclame. La démarche, cependant, au-delà de la légende et de l’imaginaire, veut restituer aux Touareg, de l’Ahaggar et du Sahara, en général, le patrimoine culturel et civilisateur qui leur est propre», a conclu M.Rabie Ben Mokhtar.
Jeudi 21 Février 2008 - Page : 21