L’information a fait la une des journaux télévisés vendredi soir. Scotland Yard venait juste de confirmer l’arrestation de 6 individus d’origine nord-africaine, soupçonnés de tentative d’attentat contre le pape Benoît XVI, en visite officielle en Grande-Bretagne depuis la veille.

 

Les interpellations avaient ciblé à l’aube cinq agents de nettoyage d’origine algérienne, alors qu’ils s’apprêtaient à commencer leur journée de travail. Des policiers de la section antiterroriste de la police métropolitaine, armés jusqu’aux dents, les ont surpris dans le dépôt de Veolia Environment Services, la société qui les emploie, alors qu’ils étaient en train d’enfiler leurs combinaisons. L’entrepôt se trouve à Chiltern Street, dans l’arrondissement de Westminster, à un kilomètre environ de Hyde Park où le pape a célébré une messe hier, en fin de journée, devant 80 000 fidèles. Le jour des arrestations, il était l’hôte des autorités politiques et ecclésiastiques britanniques au palais de Westminster, où il a prononcé un discours. S’exprimant devant la presse, son porte-parole, le père Frederico Lombardi, a affirmé ne pas détenir d’informations précises sur le raid policier et les intentions des personnes arrêtées. Ni les journalistes ni le public n’en savent davantage sur cette affaire un peu trouble. Jusqu’à hier, Scotland Yard était incapable de donner un motif crédible qui justifie les arrestations. Un sixième individu, dont l’identité exacte n’a pas été révélée par les services de sécurité, a été interpellé dans la même journée de vendredi, en début d’après-midi, dans un commerce au nord de Londres. Alors que les suspects – âgés entre 26 et 50 ans – étaient conduits au commissariat de Paddington Green pour être interrogés, leurs domiciles ont fait l’objet de fouilles minutieuses. Dix adresses au total ont été perquisitionnées. Les enquêteurs ont procédé à la saisie d’ordinateurs mais n’ont pas été en mesure de mettre la main sur du matériel compromettant. Selon une source de la police métropolitaine, aucune arme, d’équipements de fabrication de bombe, de cartes ou de plans d’attentats n’ont été trouvés dans les domiciles des individus arrêtés. Anticipant les critiques déjà nombreuses, Scotland Yard a décrit les interpellations comme préventives. “Une personne arrêtée n’est pas forcément coupable”, explique Bob Quick, ex-responsable de la section antiterroriste dans les colonnes du quotidien The Guardian. Prenant le parti de ses anciens collègues, il estime qu’ils ont eu raison d’intervenir promptement, même s’ils n’ont pas pris la précaution de confirmer les informations en leur possession sur les velléités d’attentat attribuées aux agents de nettoyage. Les suspects ont été appréhendés suite à une dénonciation. Scotland Yard assure qu’ils ont été arrêtés sur la base de propos qu’ils ont échangés sur la visite papale et qui ont été entendus par un tiers. Les services de sécurité n’ont ni révélé le contenu de la discussion ni comment elle est parvenue à leurs oreilles. Pour ne pas être accusés d’un quelconque délit de faciès ou d’identité, ils ont tenu à préciser que les interpellés n’avaient pas fait l’objet de surveillance préalable. “Leurs propos n’ont pas été interceptés par nos services”, insistent les responsables de la Metropolitan Police. Ce qui n’est pas très sûr. Classée comme éminemment risquée, la visite du chef de l’Église catholique en Grande-Bretagne a mis la police en alerte maximale. Des milliers d’agents ont été mobilisés dans le cadre d’une opération dont le coût est estimé à 2 millions de livres sterling. À Londres, Scotland Yard a pour tâche primordiale de sécuriser l’itinéraire de la délégation papale. De loin, l’arrondissement de Westminster constitue le point de chute principal de Benoît XVI. C’est aussi la zone d’activité des éboueurs algériens. Des sources suggèrent qu’ils auraient pu se fondre dans la foule et attaquer le pape. Est-ce leur conversation à l’intérieur du dépôt de Veolia (et dont la police uniquement connaît la teneur) qui a abouti à leur arrestation ou faisaient-ils déjà l’objet d’une attention particulière compte tenu de leur origine ? Aussitôt après leur interpellation, certains médias ont tenté de trouver des liens avec Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) en Algérie.

Des journaux ont évoqué l’interpellation il y a quelques mois en Italie de deux étudiants marocains qui ont été renvoyés dans leur pays pour des soupçons d’attentat similaire contre le chef du Vatican. Selon des observateurs, les propos désobligeants que Benoît XVI a tenus en 2006 sur l’islam qu’il avait qualifié de religion violente l’ont transformé en cible potentielle des groupes terroristes. Alors qu’ils sont complètement inconnus des services de sécurité, les agents de nettoyage algériens se sont mués subitement en suspects idéaux. “Quelle sera l’attitude de la police s’ils sont relâchés sans la moindres charge ?” s’interrogent des éditorialistes. Hier, à la mi-journée, les employés algériens de Veolia étaient encore en garde à vue au commissariat de Paddington Green. Leur libération devrait intervenir aujourd’hui.

Source: LIBERTE