ILS ONT FUI la guerre, la répression, les régimes intégristes musulmans qui sévissent dans leur pays d'origine. Ils sont arrivés à Montréal, avec une seule idée en tête: refaire leur vie. Portrait des communautés arabe et musulmane, victimes depuis mardi dernier d'actes de violence injustifiés qui portent le sceau de l'ignorance.

Demandez-le à n'importe lequel des 250 000 musulmans de Montréal ou aux 150000 Montréalais d'origine arabe, ils vous diront qu'ils ont fermé leur radio toute la semaine. Ras-le-bol des tribunes téléphoniques. «J'en avais assez d'entendre des gens qui faisaient l'équation terroriste est égal à musulman. Assez de me faire insulter», siffle Hannas entre ses dents serrées.

Musulmane, d'origine libanaise, portant le hijab par choix, la dame rencontrée à la mosquée Salahouddine a eu l'impression de vivre un cauchemar quand elle a vu les images de New York, qui lui ont rappelé la guerre dans son pays, raison principale de son émigration.

Quand sa nièce de 19 ans a eu droit à des injures dans l'autobus quelques heures après les attentats, parce qu'elle portait le voile, Hannas s'est demandé l'ombre d'un moment s'il y a un seul endroit sur terre où les Libanais peuvent vivre en paix.

Plus de 100 ans de paixÀ Montréal, depuis 1890, la paix ethnique est pourtant en règle générale pour cette communauté transplantée. Les Libanais sont une des plus vieilles communautés immigrantes qui ont fait de Montréal ce qu'il est devenu. Ils sont aujourd'hui plus de 90000 à vivre dans la grande région métropolitaine.

Les Libanais sont des Arabes, appellation qui réfère uniquement à la race, à la culture, explique Salim Chouieb, directeur du Centre maghrébin de recherche et d'information. Plus de 60% d'entre eux sont chrétiens. Les autres 40% sont musulmans, divisés entre les branches chiite et sunnite de l'islam.

Les chiites reconnaissent Ali, neveu de Mahomet, comme successeur au prophète. Ils ne représentent environ que 15% des musulmans montréalais. Les sunnites, de leur côté, voient en Omar, autre neveu de Mahomet, l'héritier spirituel du grand prophète.

20 ans d'immigration intenseAprès les premières arrivées dispersées sur un siècle, l'essentiel de la communauté arabe de Montréal s'est installé ici depuis 20 ans. Après les Libanais, les Algériens ont commencé à affluer. Cette communauté de 30000 âmes voulait tourner le dos à l'intégrisme.

Tout comme les Marocains, qui sont plus de 40000 dans la métropole, la connaissance du français les a aidés à s'intégrer. Les juifs séfarades, qui immigrent au Canada depuis les années 70, comptent pour le quart de l'immigration d'origine marocaine.

Les Palestiniens, plus difficiles à compter, car ils sont arrivés à la frontière sans un passeport notant clairement leur origine ethnique, gonflent les rangs de la communauté arabe d'environ 15000 personnes. Les Égyptiens sont plus de 10000.

Des degrés de pratique religieuse différents

Parmi les Arabes de religion musulmane environ 65% sont non-pratiquants. «Ils célèbrent parfois certaines fêtes comme le ramadan, mais ils y donnent surtout une connotation culturelle, comme la plupart des Québécois fêtent Noël», souligne M. Chouieb.

Les 35% restant ont des liens plus forts avec leur religion. Ils sont fidèles à l'une des 10 mosquées de la région; leurs enfants fréquentent la plupart du temps une des cinq écoles musulmanes de Montréal.

«Parmi ceux-là, 4% d'entre eux sont islamistes, c'est-à-dire qu'ils aimeraient que la loi coranique prime. Mais ça ne veut pas dire qu'ils rejettent la démocratie pour autant. Plusieurs portent la barbe ou le voile, mais sont complètement opposés à toute sorte de violence, qui à la base, est contraire à l'islam», note M. Chouieb.

Si on ouvre la petite boîte des islamistes de Montréal, dans un tout petit coin statistique se trouvent les intégristes, «qui ont des problèmes d'adaptation par rapport à la modernité. Mais on ne peut pas mettre de chiffre sur ceux-là, ils vivent dans l'ombre, à l'écart des communautés. Et souvent, quand ils vivent ici depuis quelque temps, leurs idées changent, car ils sont exposés à un autre son de cloche», conclut Salim Chouieb.

Selon lui, n'importe quel calcul rapide ne prouve qu'une chose: les intégristes de Montréal ne sont que la toute petite exception qui confirme la règle de la non-violence.

Source: http://www.cyberpresse.ca/reseau/actualites/0109/act_101090015435.html