Nés sous le soleil, différents mais tous pareils….
‘’Douceurs kabyles, envoûtements touaregs, chaoui poétique, rai d'Oran, chaabi d'Algérie et phrasés rap-ragga couchés sur guitare acoustique et peaux de percussions font l'originalité de ce " RAÏ-HOP " SYNCOPAL’’

Le groupe Syncope passera vendredi 19 juillet à 20H30mn au théâtre de verdure au Parc Lafontaine à Montréal dans le cadre du Festival Musiques et Traditions du monde. Tout comme il aura une autre représentation en featuring ( alliance) avec la jeune chanteuse Zohra samedi 20 juillet à 17H30 dans le cadre du Festival Nuits d’Afrique à la Place Émile Gamelin ( Coin Berri et Sainte-Catherine). Syncope a eu des prestations remarquables lors de ses participations à Montréal : au Festival du Maghreb au Kola Note; à la Fiesta des musiques diversifiées où il a eu le 3ème prix; au festival Jeunes musiciens en fête; au Festival Hip Hop For Ever où il a été parmi les finalistes et enfin au Spectrum où Syncope a eu l’honneur de passer avant première du spectacle tant attendu de la doyenne de Rai algérien Cheikha Rimitti ce 11 juillet 2002 lors de l’ouverture du Festival Nuits d’Afrique de Montréal.

Au Spectrum, l’ambiance était explosive et Cheikha Rimitti a confirmé encore une fois qu’elle est en effet la pionnière de la musique Rai. Un genre musical anticonformiste de l’Algérie. Durant des années, Cheikha Rimiti a chanté les folies interdites par les gardiens de la morale puritaine habillée de l’idéologie arabo-musulmane. En ce 11 juillet 2002, à 80 ans, Madame Rimitti a chanté l’Algérie, l’amour, la fraternité et surtout la vie. Les Montréalais, Québécois et de Nord-africains, étaient venus nombreux et nombreuses pour la voir et lui rendre hommage. Avant de voir la dame du Rai, le public a bigrement savouré le passage du groupe Syncope au Spectrum. Toutes ses chansons et ses reprises :bledi ( mon pays), Moul Chech ( le vieux), Chfigh ( Je me souviens de Idir ) et la chanson phare des stades algériens Sabri ( Courage mère) l’ont transporté un peu, beaucoup là-bas en Algérie. Une nostalgie pour certains et une sacrée découverte pour beaucoup de Québécois et de Québécoises qui n’ont jamais eu l’opportunité de connaître les autres côtés cachés de l’Algérie profonde, pacifique et anticonformiste. Il suffit de voir leur réaction quand on leur explique le sens de Rimitti : encore un verre!

Un peu d’histoire

Le groupe syncope est né en 1998 d’une rencontre entre des jeunes Algériens berbérophones et arabophones. Leur point commun : la musique. Leur perspective : promouvoir la culture algérienne tout en s’imprégnant des couleurs d’ailleurs et des autres. Le groupe a évolué depuis quatre ans. D’autres artistes se sont rajoutés au Groupe. Sami Bedaya le Tunisien s’occupe du Conga ( percussion latine); Francis Ladouceur et Frédéric Demarrais et Brigitte les Québécois jouent respectivement à la batterie, la basse et le violon. Ajouter à cela de nouvelle recrues comme Hakim Chérif à la derbouka et Mustapha Zellat au clavier.

Mais c’est qui Syncope et puis qu’est que ce mot veut dire?

Ce type de questionnement est provoqué par l’excellente prestation du groupe. Selon Karim Benzaid, chanteur et compositeur du groupe à côté de Said Lebah qui excelle dans le maniement de la guitare, Syncope veut dire simplement unification de deux tons musicaux. Il tient à préciser qu’un ton est toujours plus fort que le deuxième. Le style artistique de Syncope bascule entre le chaabi, le kabyle, le chaoui et les nouvelles tendances comme le reggae, le Raggae et le Hip Hop. D’ailleurs c’est la synthèse de tous ces genres musicaux qui ressort dans les produits de Syncope. Avec une musique typiquement algérienne qui accompagne des textes bien recherchés en arabe et en français , la voix sublime et imposante de Karim Ben Zaid transporte le public vers d’autres horizons où tous les clichés disparaissent pour céder la place à la gaieté , à la fraternité et à la coexistence des cultures à Montréal. Karim Ben Zaid, ce jeune algérien branché, originaire de Sétif, nous rappelle le talent d’un autre monstre de la musique algérienne sur scène : Djamel Allam. Il a la voix et le ton. Il chante avec aisance en français et en arabe algérien. Avec un peu de pratique il ,pourra chanter en Tamazight à côté d’un autre élément du groupe Said Lebah qui chante en berbère pour Syncope et pour la troupe de chants et de danses de Kabylie : Tafsut. Karim a le talent d’animer, de communiquer avec le public parallèlement à ses chansons. Une assurance qui donne une âme au spectacle et qui mènera Karim, ce jeune Montréalais d’origine algérienne et son équipe bientôt à l’Olympia de Paris. Pour quoi pas?

Côté discours

Chez Syncope, il y a certes de la belle mélodie mais il y a aussi un discours engagé, un discours qui se positionne et surtout qui explique ce qui n’est pas toujours évident et pour les immigrants et pour la société d’accueil pour assumer le fait de vivre ensemble.

Deux chansons qui sont en fait deux pièces théâtrales imaginaires voire virtuelles tellement la voix et les talents de Karim les rendent si bien. On commence par la chanson ‘’Nés sous le soleil’’. Une chanson hommage aux enfants de la Diaspora qui sont en exil mais qui doivent travailler fort pour panser les blessures d’avant mais aussi persévérer pour bâtir leur avenir au Québec. Transformer l’exil en une entreprise qui contribue dans l’édification de la nouvelle patrie sans pour autant se renier ou tourner le dos au passé, aux origines. Il y a également cette chanson sur Moul Chech ( Le vieux). Histoire d’un vieil homme algérien qui débarque à Montréal et qui est choqué par les contrastes de valeurs au sens large du terme. Il ne comprenait pas par exemple pour quoi des jeunes filles québécoise se mettaient en mini-jupe en plein hiver, à moins 40? Moul Chech dresse les péripéties de ce vieux Maghrébin et à travers lui toutes les différentes cultures qui habitent le personnage. La chanson a le mérite de deviner ses réactions. Karim insiste sur l’importance d’expliquer la réalité des gens qui viennent d’ailleurs à la société d’accueil. : « Cette chanson est habillée de beaucoup d’humour pour éliminer les chocs culturels entre le Québec et l’Algérie ».

L’Algérie est un pays qui ne laisse personne indifférent comme une belle femme. Elle attire et, dans le même temps, elle fait peur! C’est le cas de l’immigration algérienne et nord-africaine au Québec. Une immigration instruite et francophone. Elle convient parfaitement aux perspectives de la Province. Mais, parallèlement aux constat objectifs, d’autres facteurs subjectifs prennent souvent le dessus pour pénaliser l’Algérien en particulier et le Nord-africain en général. Le Français qui débarque arrive à se faire une place plus facilement au Québec que l’Algérien. Pour quoi, dirait le plus naïf des humanistes? Les plus avertis diraient simplement que les Médias nord-américains et l’ignorance des cultures du monde ont renforcé les préjugés négatifs au lieu de les combattre.

Les Médias de service oublient que l’Algérien est un Méditerranéen. Il finit tôt ou tard par remettre les pendules à l’heure et réhabiliter son image. Pour ce faire, il ne cesse d’aller vers l’autre pour se faire connaître. L’immigration algérienne est récente mais elle bouge beaucoup et avec le minimum de moyens pour avoir une place dans sa nouvelle patrie tout en gardant ce qu’elle a de meilleur de sa culture maternelle. Car, d’abord, être Algérien veut dire être jaloux de ses origines et de ses valeurs millénaires. Être Algérien ensuite c’est également être ouvert sur le monde et ses cultures. Être algérien c’est enfin être traité en tant que partenaire dans la Cité et non pas en tant qu’objet d’étude ou phénomène social visible.

L’image de l’Algérien est beaucoup affectée par les violences criminelles et meurtrières de ces dernières années qui rongent son pays, par les activités terroristes à travers le monde mais surtout par les attentats du 11 septembre aux États-Unis. L’opinion publique internationale est plus touchée par les 5 mille victimes américaines que par les 200 000 morts d’Algérie! Ces crimes ignobles ont malmené l’individu algérien un peu partout où il vit. Il passe son temps à justifier ses actes et à dire qu’il n’était pas terroriste et qu’il avait subi dans sa cher cette culture d’intolérance chez lui. Alors que dire d’un immigrant algérien en Amérique du Nord en ce moment? Il doit fournir plus d’efforts que les autres immigrants pour avoir un travail et le garder par exemple; pour voyager sans être malmené; pour faire la fête sans être pointé du doigt.

Ce détour est pour dire simplement que les peuples qui avaient subi les Nazis et les autres politiques discriminatoires sont devenus amnésiques ces derniers temps dans la mesure où ils reproduisent la même culture d’intolérance envers les autres en croyant viscéralement à la suprématie de la race blanche abusant ainsi de la vulnérabilité des nouveaux arrivants qui avaient quitté leur terre natale dans la douleur pour avoir un peu de paix ailleurs. Moralité : des jeunes artistes comme ceux du groupe Syncope rassemblent autour d’eux toutes les différences qui composent le Québec d’aujourd’hui. Un miracle que les Politiques ont du mal à réaliser. Il faut dire aussi que pour y arriver il faut d’abord y croire. Et Syncope y croit profondément…


Source: http://www.algeroweb.net/syncope/