L'influence du Maghreb sur la pop québécoise se résume jusqu'ici à un auteur-compositeur et même à une seule chanson: Alger de Jean Leloup. Mais le monde et les temps changent. En début de semaine, Lynda Thalie, une jeune chanteuse québéco-algérienne, a lancé un premier disque de pop aux courbes arrondies par des mélodies arabisantes empruntées au raï.

Après une petite heure en sa compagnie, on ressort convaincu de deux choses: Lynda Thalie est aussi ambitieuse que Lara Fabian et elle a confiance en ses moyens. Derrière son caractère enjoué, on croit deviner une jeune femme qui a déjà vécu bien plus que son âge. Elle possède cette force difficile à décrire, qu'on devine plus qu'on perçoit, chez ceux qui ont grandi dans un pays déchiré par la violence.

Son Algérie natale, comme chacun sait, a sombré dans la guerre civile peu après l'annulation du second tour des élections, il y a 10 ans. En 1996, elle est alors âgée de 16 ans, sa famille décide de faire le grand saut et atterrit à Montréal. «Disons qu'on avait besoin de vivre à notre façon et d'être plus libre, explique-t-elle, avec pudeur. Surtout de vivre sans risque pour notre vie.»

Un tel déracinement laisse des traces. Lynda Thalie ne croit ni au hasard ni au destin. Elle croit au choix. «Chaque geste qu'on pose a des répercussions, expose-t-elle. Les gens peuvent interpréter cela comme de la chance, mais c'est un travail qu'on a fait il y a longtemps et qui nous revient.» Son parcours colle à cette logique puisque son premier album arrive deux ans après qu'elle se soit démarquée aux concours Cégeps en spectacle et Ma première Place-des-Arts en 2000.

Lorsqu'on glisse son disque dans le lecteur laser, on s'attend à entendre un dérivé du raï. On se trompe. Lynda Thalie a choisi une voie beaucoup plus pop. Très présente dans Marsa, En équilibre ou Alger (une reprise de Lili Boniche), l'influence arabe se fait plus discrète dans les autres chansons, presque toutes chantées en français seulement. On pourrait dire que Lynda Thalie est un croisement entre Céline Dion ou Lara Fabian, pour l'amplitude de la voix, et Natacha Atlas, pour l'envie de moderniser les sonorités arabes et le penchant pour le côté urbain.

Lorsqu'on se dit surpris de ne pas trouver plus de musique orientale dans son disque, réalisé par Nicolas Maranda (Coma), elle ne se trouble pas. «Je voulais faire de la musique très occidentale dès le départ, assure-t-elle, pour la simple raison que je ne me considère pas comme une chanteuse raï ou orientale. Il y a même plus d'arabe que je le pensais au départ.»

Est-ce à dire qu'elle aurait pu faire son disque sans même chanter un seul mot dans sa langue maternelle? «J'aurais pu le faire, parce que les rythmes orientaux sont là, précise-t-elle, mais j'ai préféré introduire l'arabe parce que c'est une partie de moi-même.» Même lorsqu'elle chante en français, on sent bien la musicalité maghrébine, son ondulation caractéristique. «Je suis vraiment québéco-algérienne», insiste tout de même la chanteuse.

«Les choses sont très claires pour moi, je sais qui je suis et je sais ce que je veux faire», tranche Lynda Thalie. Rarement voit-on des débutants afficher une telle assurance. «Je suis très, très ambitieuse», confirme-t-elle. Elle vise la France et l'Europe tout entière. Son agent confirme que des discussions sont en cours avec l'Arabie Saoudite pour un disque en arabe. Lynda Thalie s'exportera-t-elle avant même d'être connue au Québec? Une histoire à suivre...


Photo Martin Chamberland, La Presse

Lynda Thalie: «Les choses sont très claires pour moi: je sais qui je suis et je sais ce que je veux faire.»



Source: http://www.cyberpresse.ca/reseau/arts/0211/art_102110153202.html