Avalanches sur les dictatures arabes : Le mouvement fait référence à une série de révoltes populaires qui ont eu lieu dans  certains pays arabes et soldés par la fuite, emprisonnement ou mort du chef d’état.

Les manifestants appelaient au départ des dictateurs, à la liberté, à la démocratie, au partage équitable de la richesse et à la lutte contre la corruption. Le mouvement a pris naissance le 17 décembre  2010 en Tunisie (Révolution du Jasmin) et s’est soldé par la fuite du chef d’état Zine el-Abidine Ben Ali qui a régné au pouvoir (de nov. 87 à janv.11).En Égypte c’est une série de manifestations qui a commencé le 25 janvier 2011, qui devait aboutir à la démission de Hosni Moubarak ayant régné de (oct.81 à fév.11). Le chômage, la pauvreté (plus de 40% de la population vit avec moins de 2$ jour, soit 32 millions d’Égyptiens), l’état d’urgence permanent, les conditions de vie, la corruption etc. en sont les principaux fléaux dénoncés. La Libye suit le pas à partir de février 2011, par un début de manifestations contre la répression, soutenue par l’OTAN s’est soldé par la mort de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011; celui-ci a régné de (1969 année du coup d’état à octobre 2011 date de sa mort). Au Bahreïn, la solidarité des monarchies du Golf a mis en échec le mouvement des contestations, pour la démocratie, liberté et contre l’injustice. Au Yémen, le président Saleh au pouvoir de 1978 à 2011; résiste toujours (avec le soutien de l’Arabie Saoudite); il fait face à un mouvement intense de contestations et manifestations populaires, depuis janvier 2011. En Syrie, la répression par l’armée officielle du mouvement de contestation continue toujours, depuis mars 2011; c’est un pays gouverné par Bashar Al Assad qui remplace son père Hafez Al-Assad ayant régné de 1970 date du coup d’état à sa mort en 2000. D’autres tentatives de manifestations n’ont pas eu le même souffle, notamment en Arabie Saoudite, en Jordanie, au Maroc, à Oman, en Algérie et au Koweït (quoique les monarchies commencent à faire la démonstration d’une certaine souplesse à l’idée de passer à des monarchies constitutionnelles).

Toutes dénoncent la répression, la corruption, la pauvreté, le chômage, les inégalités sociales et économiques et les mauvaises conditions de vie.

La plupart de ces mouvements  s’inspirent de l’approche anti violente (Ex : des méthodes de Gene Sharp de la dictature à la démocratie résistance non violente). Ils trouvent appui  dans une jeunesse (15-29 ans) très forte, égale au tiers de la population, bien à l’aise à manipuler les nouvelles technologies d’information et de communication, dont les médias sociaux. Ils affrontent des régimes politiques autoritaires. Ils dénoncent la corruption, les conditions socioéconomiques, la pauvreté et le chômage (taux de chômage de la classe 15-29 varie entre 20 et 25%).

Révolutions ou révoltes?
Dans un tel contexte, on est en droit de questionner s’il s’agit de révolution dans le sens de profond et durable changement ou s’il s’agit simplement d’une révolte au sens de rébellion, en tant qu’action ponctuelle et sans effet durable?

Pour cela, il serait judicieux d’examiner les différentes thèses en circulation à ce sujet.

Manipulation étrangère : cette thèse est avancée à la fois par les pouvoirs en place menacés et, par certains activistes hostiles à l’impérialisme et au néolibéralisme mondial. Les pouvoirs menacés crient au danger venant de l’extérieur et tentent par la mobilisation de l’opinion interne à l’égard de la menace étrangère, une certaine échappatoire et y trouvent un bon moyen de diversion pour discréditer ces mouvements. Pour les deuxièmes, c’est une occasion de plus, de dénoncer les stratégies impérialistes dans un monde en mouvement.  L’effet surprise  de ces révoltes; l’ampleur qu’elles prennent de jour en jour; la capacité organisationnelle dont elles font preuve; le soutien direct des gouvernements occidentaux; le soutien médiatique; l’intervention armée de l’Otan, comme pour le cas de la Libye; l’influence que certaines organisations occidentales exercent à travers la promotion de la culture démocratique et de l’économie de marché, au point où celles-ci sont désignées de relais des services secrets et de la CIA (ex : freedome house aux USA; les manuels de la Albert Einstein Institution ayant été propagés lors des révolutions de couleur en ex soviétique; dont le fondateur est le politologue américain  est Gene Sharp 1928); sont des indicateurs qui viennent appuyer cette version des faits. Toutefois, on arrive mal à imaginer que l’Occident sacrifie avec une telle facilité ses alliés d’hier.

Révolutions locales et authentiques: Au constat du niveau de pourrissement de la situation et de l’impasse à laquelle ces systèmes sont arrivés; il n y a pas beaucoup d’effort à fournir pour conclure à une conséquence naturelle et logique. Les facteurs objectifs, qui expliquent cette tendance ne laissent pas grand doute, qu’il s’agit de mouvements authentiques de révolte. Des systèmes dans l’impasse; des dictatures qui ne cessent de perfectionner la façon d’éterniser leurs pouvoirs (amendements des constitutions; succession familiales au pouvoir, etc.); atteintes aux libertés; corruption excessive; pauvreté; chômage surtout parmi les jeunes (frange dominante dans la société au vu du profil démographique; chômage élevé parmi les diplômés, etc. Toutefois, la succession rapide des événements et, l’absence d’un processus préalable de gestation laissent planer un certain doute sur l’authenticité de ces révoltes; d’autant plus que dans ces systèmes policiers, une forte frange de la société est structurée dans  l’appareil répressif du système.

Concours de plusieurs conditions : Historiquement parlant, c’est très grave et injuste de ne pas reconnaitre aux peuples leurs mérites; leur force de frappe; leur capacité d’organisation et de soulèvements contre des régimes totalitaristes; d’autant plus que les conditions objectives s’y prêtent. Toutefois, il faut analyser les événements dans une logique de pouvoir. Il n’est pas si simple d’opérer en attaque face à des systèmes fortement structurés, dont le profil sécuritaire et policier est fortement dominant et,  qui n’hésitent devant rien à mater leurs peuples; des systèmes qui ont pendant longtemps bénéficié de soutien politique, armé et médiatique de l’Occident. Dans cette perspective, l’histoire ne peut-être approchée d’une façon simpliste, comme l’œuvre unilatérale d’une partie ou d’une autre; mais plutôt, comme un jeu complexe d’interaction, soumis à une longue gestation et qui découle du concours de plusieurs forces, lorsque les conditions murissent, pour opérer un changement. Pour les peuples arabes; les conditions socioéconomiques; les conditions démographiques; le pourrissement de systèmes politiques sans perspective; l’atteinte continue et ferme aux libertés; la pauvreté; la corruption excessive, dans un contexte de mondialisation expliquent d’une façon cohérente et objective le soulèvement des peuples. Toutefois la complicité de l’Occident qui n’a pas hésité un moment à déclarer son soutien et parfois à l’exercer directement, n’est pas chose à cacher. L’Occident,  à la recherche d’une certaine légitimité à une gouvernance mondiale, dans le contexte de la mondialisation, essaye de se débarrasser de son image altérée qui domine les esprits des peuples opprimés, dont les peuples arabes et musulmans.  L’Occident n’est pas insensible aux effets de sa politique de deux poids et deux mesures, dont le soutien des dictatures locales, qui au lieu d’assurer la stabilité recherchée, produit l’effet pervers, soit l’instabilité et l’insécurité qui menacent ses intérêts. Oui, l’Occident n’avait pas le choix de sacrifier ses alliés d’hier, pour se rapprocher davantage de l’aspiration de ces peuples à la démocratie et à la liberté; il ne pouvait plus durer dans la contradiction, de défendre d’un coté la démocratie et de soutenir de l’autre, des dictatures. Les dictatures mises en place, atteintes du syndrome du pouvoir absolu, exagéreraient dans la corruption et devenaient une menace à leurs maîtres et à leurs intérêts; l’explosion interne ne devait plus trader. Donc pour l’Occident il fallait se débarrasser de ses Franksteins qu’il a créés; afin de se refaire une virginité auprès des peuples en colère. Pour l’Occident, c’est un passage historique de la théorie de défense des intérêts par le soutien de dictatures locales à la théorie de protéger ses intérêts par le soutien de la démocratie et de la liberté. Changement d’approche qui pousse l’Occident à penser comment défendre ses intérêts, tout en appuyant les démocraties locales? Toutefois, il demeure soucieux principalement de la défense de ses intérêts, notamment économiques et énergétiques et, du contrôle du pouvoir.

Les défis à relever: Pour assurer de la cohérence dans sa démarche, l’Occident  doit gérer d’une façon équitable toutes les situations; ce qui n’est pas le cas, alors qu’il agit d’une façon sélective. À cet effet, le défi, n’est pas seulement d’assurer un soutien à toutes les aspirations démocratiques, même si cela touche des alliances traditionnelles; mais aussi et surtout de soutenir un plan de paix équitable entre Israël et la Palestine et de mettre fin à l’endurance du peuple palestinien. Il ne faut attendre longtemps pour constater l’échec de l’Occident à relever ces défis; dès lors qu’il n’arrive même à admettre l’adhésion de la Palestine au sein de l’Unesco.  Pour les peuples arabes, le principal défi est de maintenir et d’entretenir les conditions de liberté, de démocratie et de développement.  Un changement durable doit être garanti par une conscience de changement; comme dit le philosophe,  le changement est une porte qui s’ouvre de l’intérieur. Il est certain que la société doit faire sa part. Tous, individus et groupes doivent participer à ce processus de changement, chacun dans la limite de ses pouvoirs et dans l’espace de ses responsabilités. Tous, se trouvent impliqués d’une façon directe ou indirecte dans la propagation des fléaux de répression, de corruption et de mauvaise gouvernance; de la tête du pourvoir au simple agent d’une administration publique; une large frange de la société participe dans l’appareil répressif. Pour qu’un changement durable ait lieu, il va falloir que tous affichent une volonté ferme de changer et de rompre avec un système pourri. C’est aux peuples que retombe la responsabilité de maintenir une tendance de changement et d’amélioration de leurs situations; à eux de faire la démonstration pour gagner de la crédibilité auprès de tout partenaire.

Certains constats laissent un goût d’amertume; les événements de Sidi Bouzid qui suivirent les résultats des élections en Tunisie ou, certains propos de ceux qui acceptent mal le verdict des urnes, donnent la preuve que la culture démocratique n’est pas totalement installée.  En Libye, la façon comment Kadhafi a été traité et achevé par ceux qui l’ont capturé, donne la preuve que la culture de droit, de justice et de la dignité humaine n’est pas encore totalement acquise. En Égypte, les affrontements sur fond confessionnel  donnent un mauvais signal.

Un long chemin reste encore à faire; celui que tout chacun parvient à assumer ses responsabilité et à réaliser son propre changement. Oui, les manipulations; les effets de résistance; les contre révolutions; la confiscation des révolutions sont les situations à craindre; toutefois une révolution qui se veut durable est celle qui se fait dans le silence, dans le calme et dans la paix; celle qui se réalise avec l’acceptation de l’autre et, avec l’adhésion aux valeurs de justice, d’équité et de droit;  et avec la volonté ferme de tout chacun de faire son propre changement et de faire ainsi sa part de changement.

L’histoire garde un œil ouvert sur la suite des événements qui vont démonter s’il s’agit d’une authentique et consciencieuse révolution, à effet durable ou, s’il s’agit d’un accident de l’histoire et d’un simple renversement de situation, sur un fond de vengeance et sans effet majeur. La maturité d’une révolution se mesure par la capacité des peuples à faire face au défi majeur d’assurer la durabilité de changement et de préserver les acquis de la révolution.