Le 28 juillet 2015 au Balattou de Montréal, Hakim Kaci s’est produit pour la première fois  en tant qu’artiste accompli. Il a certes chanté maintes fois avec d’autres artistes ou d’autres groupes, mais cette fois-ci, la scène était à lui et pour lui.

Accompagné par Sosta, un groupe  méticuleux et professionnel dirigé par Rafik Abdeladim, Hakim a pu, en une soirée, séduire, emballer et interpeller un public avide de talent et de textes articulés.  Il a chanté du kabyle, de l’algérien et du français. Aussi, pour la première fois, cette salle, réservée habituellement aux hommes, a été envahie par des femmes kabyles, tunisiennes, égyptiennes et québécoises pour voir et écouter cet artiste sympathique et chaleureux. La soirée a été un succès sur tous les plans.

Hakim Kaci est un artiste né : « J’ai commencé à jouer de la guitare depuis l’âge de 14 ans à Bougie. Je ne peux pas dire qui m’a influencé au juste. Tout ce que je sais est que j’aime la musique que j’entendais pendant les fêtes, à la radio et à la télévision. Bref, la musique a toujours été là. » Il est modeste, poli aux allures soignées, toujours soigné. La communauté kabyle et algérienne le connaît bien et l’apprécie beaucoup. Il est toujours présent quand il est question de chanter et de promouvoir la musique algérienne et notamment kabyle de qualité : « Chanter dans une langue, la fredonner et la parler au quotidien assure sa pérennité face à l’exil qui s’apparente à une mer pouvant la noyer. La chanson n’est qu’un flambeau parmi tant d’autres qui nous permet  donc d’assurer sa continuité pour laquelle tant de personnes sont tombées depuis des décennies et d’autres sont toujours en train de militer. Je voudrais donc rendre hommage à la sincérité de tous ces gens qui méritent tous nos honneurs. Ils auraient été fiers d’entendre entonner des airs qui leur sont chers; nous leur dédions ceux de ce soir. »

Cheveux légèrement longs, parfois lâchés parfois ramassés, il dégage l’image d’un artiste rebelle ayant beaucoup de retenue, anarchiste ayant beaucoup de classe et hyper moderne vu son ouverture sur le monde de la musique. Il est également et surtout engagé dans le combat identitaire amazighe, ce qui explique sa démarche constante de  maintenir coute que coute le cachet culturel de sa région natale, la Kabylie. En somme, Hakim incarne l’ouverture et la spécificité de son peuple à sa manière. Son look et sa façon de chanter ont poussé Idir Zemouche à le qualifier d’artiste« insaisissable parce qu’il touche à tout, bien que le moderne domine ses choix et sa touche. »  Son accent de Bougie, petite Kabylie, lui rajoute un charme et une signature qui en disent long sur le degré de l’attachement à ses racines kabyles, à son éducation familiale et surtout à sa mère qui n’est plus de ce monde, mais qui continue à vivre en lui et à travers lui en tout temps : « Une pensée exclusive va à la mémoire d’une personne qui remplit ma vie, dira-t-il avant d’ajouter, où qu’elle soit, j’ai envie de lui dire qu’elle me manque et qu’elle est tout simplement irremplaçable. Elle illumine et elle continuera à le faire comme elle l’a toujours fait ma vie dont le bonheur est tributaire des souvenirs que je garde toujours d’elle.»

Une soirée dédiée aux géants et à l’identité

Le spectacle a commencé par la prestation de Achour Zanoutene qui a chanté du Matoub. D’ailleurs, c’était lui et le groupe Sosta qui avaient rendu hommage à Matoub le 25 juin dernier à Montréal. Rafik Abdeladim, qui a beaucoup apprécié de travailler avec lui, dira : « Achour est notre Dalai Lama. C’est le sage du village. Il est zen ce gars. Il est inspirant comme personne. Je l’ai connu en 2010, mais ce n’est qu’en 2015 qu’on s’est dit qu’il fallait sérieusement faire quelque chose ensemble. Alors, j’ai pensé rendre hommage à Matoub, il a embarqué et depuis, les évènements se sont enchainés. »

Après Achour, Hakim salue le public et lui annonce d’emblée le concept de sa soirée. Un concept qui a fait le tour de la Kabylie et d’Alger avant de transporter le public ailleurs, en France notamment. Il chantera les œuvres des grands, des chansons qui traitent de la nostalgie, de l’amour, de l’identité et de la vie dans toute sa splendeur.  Le public a été choyé. Il a donc savouré les chansons comme «  Anda lla-tt«  de Abdelkader  Bouhi; «  Attwaligh«  de Matoub; « Arwah Arwah; Intas ma diyas et Bnat sohba«   d’El Hasnaoui; « Thalt ayam«  d’Ait Menguelle; « Ayen righ«  de ‘‘’Ferhat. « Ay idurar n leqbayel«  du groupe Inaslyen et « Tassekurt«  d’Idir. Il a également chanté « Mauvaise réputation«  de Brassens et « l’amant«  de Mireille Mathieu, en leur rajoutant une touche personnelle et algérienne. Avant d’attaquer tout un répertoire de variétés parfois calmes, parfois dansantes, il a chanté sa composition ‘’ Hamleghkem«  (Je t’aime), une ballade qui met en évidence cet amour impossible, ce déchirement émotionnel susceptible de ronger l’individu de l’intérieur et en silence. Pourquoi n’avoir chanté qu’une seule chanson de son répertoire? L’artiste dira : « Comme mon album est en préparation, je ne voudrais pas « brûler«  mes chansons avant de les enregistrer. ».

Sosta et Hakim, toute une complicité

Sosta est un groupe de musique qui vient enrichir la scène artistique de la communauté à Montréal. Il est composé de Rafik Abdeladim, de Mourad à la basse et de Azzedine Polyphène à la percussion. Sosta accompagne très souvent des artistes d’ici ou ceux qui viennent d’Algérie ou de France comme c’était le cas lors de l’hommage rendu par Achour Zanoutene à Matoub le mois de juin dernier ou lors du passage de Amazigh Kateb le mois de juillet 2015 au Rialto. Cette fois-ci, Sosta a accompagné Hakim Kaci. Cet artiste a certes collaboré pendant longtemps avec plusieurs artistes, mais ces dernières années, il s’est beaucoup produit avec Rafik Kaci et son groupe : « Pour ce qui est de Hakim Kaci, dira Rafik, on n’est pas à notre premier essai. On s’est connu dans les années 90 à l’université de Bab Ezzoura à Alger. Des années plus tard, on s’est retrouvé à Montréal. On s’est remis à collaborer depuis environ trois ans. Kakim est un chevronné de la musique, il essaie d’apporter une touche particulière à la musique en général et à la musique kabyle en particulier, en mélangeant  les mélodies kabyles, flamenco et chaabi. Notre collaboration est très enrichissante, car elle permet à chacun de nous d’y ajouter son grain de sel. C’est ce qui nous a permis de reprendre Brassens en chaabi et Édith Piaf en jazz.  En somme, on a mélangé plein de styles musicaux (celtique, chaabi, jazz, flamenco, folk, etc.)»

Un public extraordinaire et magnifique

C’était un jour de semaine, mais les gens se sont déplacés nombreux pour le voir. Ils sont venus de Montréal et d’ailleurs pour l’encourager. Mieux encore, toute la soirée, ils étaient en symbiose avec l’artiste et l’orchestre. Ils chantaient avec lui, ils dansaient. Aussi, les youyous des femmes kabyles retentissaient durant toute la soirée à tel point qu’un critique averti dirait que cela faisait partie du concept du spectacle. Et pourtant, non. Le secret réside tout simplement dans tout ce qui se dégageait de la scène qu’Idir résume ainsi : «  On nous a transportés très loin, au pays de nos racines, mais aussi vers des rivages culturels divers. Interpréter les grands de la chanson kabyles, revisiter  Brassens sur un air algérien témoigne de l’intelligence de l’artiste et du professionnalisme du groupe qui l’accompagne. Bravo l’artiste et bonne continuation! »

Hakim était très content de sa soirée et de l’interaction qu’il a eue avec son public. Il était ravi d’avoir autant de monde à son spectacle. Il l’a d’ailleurs bien signifié dans sa page Facebook: « Je tiens à remercier toutes les personnes présentes hier soir à mon spectacle au Balattou et tous ceux qui ont contribué de prés ou de loin à sa réalisation. Merci pour votre présence et vos encouragements.  C’était magnifique de passer cette soirée avec vous. Que du bonheur.  Au plaisir de vous retrouver bientôt dans un autre de mes spectacles.» Il a également insisté sur la remarquable présence féminine à sa soirée en disant que ça lui avait sincèrement fait chaud au cœur d’avoir vu toutes ces femmes. » Des femmes qui ont bigrement adoré la prestation comme le souligne Tissa Saad en s’adressant à l’artiste : « Merci à toi aussi de nous avoir replongés dans cette ambiance d’antan. » 

La soirée ne pouvait pas finir  sans un air qui renvoie à la Kabylie profonde. Encore une autre, dira le public en chœur. Les artistes étaient réceptifs et généreux. Alors, ils ont chanté un couplet de ‘’Azerzour’’ (L’étourneau) de Chérifa pour faire danser la foule. Une foule qui voulait vraiment que la soirée dure encore et encore. Un bon signe pour la suite de la carrière de Hakim Kaci, de Achour  et du groupe Sosta.   En attendant la sortie de l’album de Hakim, le public pourra découvrir ou en encourager Achour Zanoutene qui se produira au mois de septembre prochain.

Source: Taghamsa - 3 aout 2015