Sans l’apport des sportifs issus de l’immigration le sport algérien aurait de la peine à exister sur la scène internationale. Les beurs ont même investi des disciplines inconnues en Algérie.

Début juin 2009, stade Mustapha Tchaker. Le onze national vient de marquer le troisième but, synonyme de victoire contre le vieux rival égyptien. Les caméras de la télévision nationale sont braquées sur le ministre de la Jeunesse et des Sports Hachemi Djiar. Celui-ci jubile comme pour souligner sa présence dans l’enceinte du stade de Blida. 

Ces images ont été vues par des millions d’Algériens à travers la planète. Pendant des mois, les supporters des Fennecs ne vivaient que pour le match au sommet des éliminatoires simultanées Coupe d’Afrique des Nations/Coupe du Monde. Sitôt la température footballistique tombée, certains ont eu des difficultés à comprendre le rictus prétentieux du ministre Djiar.

Du cyclisme aux sports d’hiver
Les beurs sèment, le ministre ré…cupère! Tel pourrait être le refrain de la prochaine chanson des Chnaouas. Nos artistes du stade ont toujours été très inventifs. Il faut dire que sur les onze joueurs alignés d’entrée par le coach Rabah Saâdane, seuls deux doivent leur présence à des clubs algériens : le jeune défenseur central Rafik Halliche et le gardien de but Lounès Gaouaoui. Comme si nous avions un don inné pour défendre…! En face, les Égyptiens étaient tous du cru. Et si des circonstances indépendantes de la volonté du ministre, pour reprendre la formule consacrée, avaient rendu impossible l’acquisition de renforts d’outre-mer? Rien qu’à y penser, j’ai la chair de poule...

Les jeunes de la diaspora ont envahi pratiquement tous les clubs algériens. Hormis quelques exceptions, comme la JS Kabylie qui a misé sur une nouvelle génération de footballeurs locaux, les clubs du premier palier ont misé en masse sur les beurs. Après l’adoption d’une loi xénophobe (c’est le seul mot qui me vient à l’esprit quelle que soit la raison invoquée) limitant le nombre de footballeurs africains sur le terrain à un rescapé, les jeunes de divisions inférieures françaises ou belges sont à la mode. Cela devait arriver, puisque depuis des années les joueurs « made in Algeria » n’arrivent même pas à décrocher un contrat dans des clubs peu huppés de l’autre côté de la Méditerranée.

Cela fait longtemps que les beurs ont investi toutes les disciplines. Aux derniers Jeux Méditerranéens, la seule médaille d’or a été ramenée par le boxeur parisien Rachid Hamani, fils de l’illustre Loucif Hamani. Pas un dinar n’a été dépensé pour sa formation. Heureusement (pour nous) qu’il n’a pas pris le même chemin que le talentueux Brahim Asloum.
Un autre exemple : le Tour de France cycliste vient de s’achever avec la victoire programmée de l’Espagnol Alberto Contador. La palme, à mon humble avis, revient également à un certain Saïd Haddou, le seul « Arabe » parmi les participants de la Grande Boucle de cette année. Le dernier Algérien à prendre part à cette course, au demeurant l’un des plus grands spectacles sportifs sur terre, avait pour nom Zaaf. Les vieux s’en souviennent certainement!

Cette tendance est bien plus visible dans des disciplines assez vagues pour le commun des mortels dans l’hémisphère Sud. Il y a quelques années, l’Algérie n’a dû sa participation à des Jeux Olympiques qu’à l’apport de l’immigration. En effet, tous nos sportifs étaient issus du même département français. C’est vrai que c’était des Jeux d’hiver. C’était à Turin en 2006. Les Isérois Christelle Laura Douibi (en descente et super géant) et Noureddine Maurice Bentoumi (en ski de fond 15 et 50 kilomètres) étaient bien esseulés parmi l’armada de sportifs européens ou nord-américains. À l’occasion, ils nous ont rappelé nos cimes enneigées…Demain, peut-être verrons-nous un jeune de Montréal ou d’Ottawa porter haut les couleurs nationales…

L’Algérie aurait pu aspirer à sa première médaille aux Olympiques d’hiver. Le nom de Sandra Laoura ne vous dit peut-être rien? Il y a encore un peu plus de deux ans, la jeune Constantinoise a été un grand espoir du ski acrobatique avant son tragique accident début 2007 au Mont Saint-Gabriel au Québec. Celle qui commençait à collectionner les lauriers en tant que star du ski français avait même songé un temps à représenter nos couleurs, mais le peu d’empressement de nos officiels en a décidé autrement.

Une régression peu féconde
Les sports collectifs ne sont pas une exception. Des émigrés ont renforcé nos sélections de hand-ball, de basket-ball et de volley-ball. Grâce à la diaspora, des sports exotiques pour l’Algérien lambda commencent à montrer leurs contours chez notre public. Ainsi, des jeunes de France, d’Angleterre ou de Suède (dont l’ancien joueur des Capitals de Washington Josef Boumedienne) se sont mobilisés pour monter des équipes de rugby ou de hockey sur glace. Malheureusement, ils butent sur l’incompréhensible immobilisme des autorités algériennes qui n’arrivent pas à se mettre au diapason des espoirs de cette jeunesse. Des pays comme le Maroc ou la Tunisie font beaucoup plus, malgré des moyens limités. Les tennismen Eddy Chala et le tout jeune Valentin Rahmine, et surtout le prodige national Lamine Wahab (l’une de nos rares stars formées au pays), en savent quelque chose.

C’est ce même immobilisme typiquement algérien qui a fait que nos sélections ont « perdu » des talents immenses, à l’image des judokas Djamel Bouras ou Larbi Benboudaoud, maintes fois médaillés dans les joutes internationales sous les couleurs tricolores. Les décideurs « sportifs » doivent ouvrir les yeux et essayer de ratisser large. Des talents algériens se trouvent dans des endroits insoupçonnables. Le Polonais Artur Partyka, l’un des rares athlètes à avoir rivalisé avec le légendaire sauteur cubain Javier Sotomayor était bien à moitié algérien. Sa jeune compatriote, la judokate originaire de Gdansk Fatima Mohamed-Seghir, marche sur ses traces.   
 

L’Algérie ne peut se passer du sang neuf d’ailleurs. C’est un fait indéniable. Le tableau final des médailles des derniers Jeux Méditerranéens de Pescara a étalé au grand jour l’état de décrépitude du sport algérien. Notre pays s’est classé bien loin de ses voisins, la Tunisie et le Maroc, et derrière…Chypre et l’Albanie, occupant la 14e place sur 23 nations classées avec une moisson de 17 médailles, dont 2 seulement d’or. Lors de la 15ème édition d’Almeria, l’Algérie s’était classée à la 9e place avec 9 médailles de vermeil. Une énorme régression.
En outre, les responsables algériens ont fait montre d’une irresponsabilité affligeante en refusant d’envoyer dans la Péninsule transalpine une équipe de football. Ne pas préparer à temps une quinzaine de jeunes demeure une erreur qui a ridiculisé notre pays, quand on sait que les Libyens sont arrivés jusqu’en demi-finales. Rien que dans la région parisienne on aurait pu rassembler deux dizaines de beurs pour lesquels les couleurs nationales se trouvent dans le cœur, alors que ceux qui président aux destinées de notre sport regardent plutôt du côté de leurs poches.  

D’où mon étonnement en voyant le ministre Djiar jubiler sous les feux de la rampe. Avait-il des raisons d’être satisfait quand le football algérien se trouve au fond d’un immense gouffre? Les clubs algériens de football sont régulièrement laminés par des formations libyennes et nos jeunes capés par leurs homologues mauritaniens.
Pour préparer la saison 2009-2010, nos clubs doivent une nouvelle fois faire le voyage jusqu’en Tunisie ou au Maroc, voire en Silésie polonaise, pour trouver des installations dignes de ce nom. Encore que pour amasser quelques subsides nécessaires à leur fonctionnement, ils sont obligés d’adopter la stratégie béni-oui-oui à l’égard des autorités. Certains présidents de clubs ont battu tous les records en matière d’aplatventrisme. C’est le gage qui leur permet de rester dans un milieu extrêmement lucratif.

Il me reste à souhaiter que l’apport des nos frères et sœurs de l’immigration puisse un jour faire sortir de sa léthargie notre sport. Et à regretter que, dans le monde de la politique, on ne voit pas encore l’hirondelle parisienne ou marseillaise qui sonnerait le glas de décennies entières de mauvaise gouvernance. 

Arezki Sadat - Collaborateur/Chroniqueur