La participation algérienne, à la septième édition du Festival du monde arabe (FMA) de Montréal , qui se tient actuellement au Canada jusqu’à dimanche prochain, a été marquée par la présentation de plusieurs activités traduisant toute “la richesse, la densité et la variété de la culture algérienne”, de l’avis de plusieurs participants contactés par l’APS.

En ouverture du salon de la culture, l’un des trois volets, avec les arts de la scène et cinéma, composant le FMA, une conférence-débat a réuni Mohamed Arkoun, penseur et professeur émérite d’histoire de la pensée islamique à la Sorbonne (Paris), l’auteur et dramaturge algérien, Slimane Benaissa et l’anthropologue québécois, Serge Bouchard , à la Maison de la Culture de Frontenac, à Montréal, sur le thème central de “prophètes du 21 eme siècle”. Le Pr Arkoun, qui s’est interrogé sur le rapport de la modernité à la religion, a relevé dans sa conférence les ruptures entre les lois divines et les lois laïques et souligné l’importance de revisiter les religions monothéistes, que sont notamment l’Islam, le judaïsme et le christianisme.
Plaidant pour un retour au “logos” (corpus philosophique grec) qui avait permis à la civilisation musulmane de rayonner à travers le monde, il a estimé que “l’Islam n’a pas toutefois participé à la production de la modernité», du fait, entre autre, a-t-il expliqué, du bocage de l’exégète, à partir de Ibn Rochd.
Le Pr Arkoun avait également animé une seconde conférence sur le thème “Mille et un Allah” centrée sur la réalité de l’Islam et sa perception, souvent réductrice, par l’Occident. Serge Bouchard a estimé, pour sa part, que la faillite de l’enseignement de l’histoire pousse à la haine de l’autre ou à son ignorance, regrettant que l’Histoire de l’humanité est actuellement “présentée sans liens entre les uns et les autres” et que les nations gagneraient à réécrire l’histoire, comme l’un des défis majeurs de l’humanité “Il faut refaire l’histoire dans le sens de la solidarité humaine, au nom d’un humanisme qui n’a pas besoin d’être expliqué. Réapprendre à être rebelle et à parler”, a-t-il soutenu.
De son coté, le dramaturge Slimane Benaissa, qui participe au FMA, avec une nouvelle pièce de théâtre “le 100 eme nom de Dieu », a tenu à rappeler son vécu d’enfant et d’adolescent à Guelma, en Algérie, ouú coexistaient les trois religions monothéistes. Retraçant les évolutions et évoquant les guerres menées au nom de la religion, il a fait remarquer que si “le judaïsme est présenté comme la religion des persécutés”, les Israéliens ont, “en cinquante ans rattrapé le retard”. S’interrogeant si la paix viendra de l’espace religieux, il a estimé que “la prophétie, au 21 siècle, ne peut être que collective”. Dans sa nouvelle production théâtrale, montée en avant-première, le 29 octobre à Montréal, la pièce “le 100e nom de Dieu”, jouée devant une salle archi comble, à majorité québécoise, Benaissa a fait voyager les spectateurs à travers les âges .

Accompagné d’un luthiste, avec un verbe incisif et sous le ton humoristique, Benaissa a subjugué et dominé de bout en bout la salle, avec un texte très dense ouú il revisite les trois religions monothéistes et s’élève contre les visions qui veulent figer les religions. “C’est une véritable plaidoirie pour le dialogue et la tolérance entre les religions et entre les peuples”, relève un spectateur.
En final, et à la demande insistante d’Algériens installés au Canada, Benaissa a repris le texte de la réponse faite par son grand-père (Djeddi), dans sa célèbre pièce “Babour Eghrak”, une autre oeuvre qui a fait sa notoriété dans les années 1970.
“Encore une fois, le thème récurant de la réappropriation de notre identité dans toute sa diversité et sa richesse se retrouve sous la plume incisive du dramaturge qui exorcise nos maux et notre douleur”, note encore un spectateur algérien.
Au plan musical, la participation algérienne s’est traduite jusque-là avec le duo de “Oud Mehdi” (algérien) et Smadj (tunisien), le 27 octobre, des virtuoses qui en transformant le luth en instrument électronique ont subjugué les spectateurs par cette nouvelle expérimentation musicale.
Quelques jours après, c’était au tour de la chanteuse Khalida, accompagnée au piano, d’interpréter des chansons du répertoire algérien, se permettant le luxe d’interpréter en arabe algérien des chansons du répertoire classique français. Le groupe El Ferda de Kenadsa, a donné une “soirée époustouflante”, reprenant le répertoire traditionnel de leur région, mêlant chants mystiques, chants profanes et airs des grands maîtres du haouzi, medh, diwane, gnaoui ou hadra. Faisant preuve d’une grande maîtrise de la voix, des instruments (guembri, djembé, derbouka, violon, aoud, bendir, banjo, mehraz, soussanà) et d’un texte touchant aux différents genres présents dans la Saoura et une partie du sud algérien, le groupe El Ferda, constitué en 1991-92 et dirigé par Hocine Zaidi, a ressuscité un passé musical qui a longtemps fait la richesse des cités glorieuses du sud algérien.
La troupe, qui s’est produite récemment en France, Espagne, Libye et prépare une prochaine tournée en Tunisie, a déjà sur le marché un CD et prépare un second pour début 2007, dira a l’APS son leader.
“Les différents publics québécois ont apprécié la participation algérienne à ce festival, organise avec le soutien du Consulat général d’Algérie à Montréal et de la télévision algérienne, car chaque fois les spectacles ont fait salle comble”, dit simplement un des organisateurs du FMA, auquel l’Algérie participe pour la troisième année consécutive.

Source: http://www.elmoudjahid.com/stories.php?story=06/11/08/8814050