Un Algérien dans une «réserve» indienne. Une impressionnante histoire qui n´appartient qu´aux Algériens: ils sont les seuls au monde à concrétiser parfois des rêves que personne n´a pensé réaliser avant eux.
Une belle expérience de la vie et de l’amour qui dure depuis 14 ans entre un Algérien et une Indienne des réserves autochtones de la baie James et qui nuit aux préjugés de ceux qui évaluent le destin des autres d’un point de vue misérable.
Leur progéniture bénéficie, et c’est une première au monde depuis mai 2002, du certificat de statut indien qui leur donne droit à des privilèges inimaginables que le Premier ministre et les députés ne possèdent pas.
Abel Rabbitskin, réalisateur et producteur de l’émission «Maamuitaau» de la télévision CBC North Québec et Radio Canada Cree, rêve de se rendre en Algérie pour tourner la partie algérienne de «Hicham story». Si tout va bien, les deux enfants de Djemaï Mourad et Sally Trapper se rendront pour la première fois à Alger, dans le quartier populaire d’El-Biar, au courant de l’été 2004.
Mourad Djemaï, dit l’Indien, 39 ans, a connu sa femme Sally Trapper, du même âge, en 1990. A l’époque, elle préparait un diplôme de dentiste à Montréal. C’est le coup de foudre et en huit mois leur sort est scellé devant l’imam de la mosquée du centre islamique du Québec, avant de partir célébrer leur union dans la réserve indienne de Mistissini. Là-bas, c’est un autre monde. Pour s’intégrer, l’Algérien va apprendre le métier de trappeur: chasser l’orignal, le caribou, préparer des pièges d’animaux, pêcher les poissons en creusant des trous dans la glace, couper du bois parfois à -60° et chercher de l’eau potable pour le foyer. Le service militaire, dit-il, qu’il a passé à Bel-Abbès et à l’hôpital Maillot, «m’a été d’une grande utilité dans mon expérience avec les Indiens».
Les touristes qui passent par là ont du mal à croire son histoire. Un responsable canadien, qui s’est rendu trois fois jusqu’à la baie James pour le rencontrer, lui avait dit: «J’ai vu des fous, des malades, des gens intelligents mais j’ai jamais rencontré quelqu’un comme toi ! Ce que tu fais est formidable. J’espère qu’un jour les Algériens sauront ce que tu as réalisé».
Son beau-père, Williams Trapper, est fier de lui. L’Algérien l’honore devant les autochtones curieux de découvrir les compétences de cet étranger qui vient d’un autre monde. En douze ans, il va comprendre l’univers des Indiens nord-américains, parler leur langue Cree, sillonner en motoneige les grandes espaces et mettre au monde, avec sa femme, Hicham Amir et Zineb Amira. De beaux enfants métis qui vont devenir le centre de sa vie et l’aider à résister au mal du pays qu’il a quitté en 1985. Ça fait 20 ans que Mourad l’Indien n´est pas retourné au pays d’origine. Avant d’émigrer au Canada en 1988, l’Algérien avait vécu au Danemark, séjourné au Groenland, en Pologne et en France.
En Algérie, il a pratiqué le football pendant deux ans dans la catégorie des cadets avec le CRB. A l’époque, il a côtoyé des grands joueurs tels Hadj Adlane, Dahmane Merzak, Mouassi et Inja Samir. Son fils Hicham ne lui ressemble pas; il ne pratique pas le soccer mais c’est un futur champion de hockey.
Comme il parle le français, il va servir d’interprète aux autochtones. Durant le grand prix annuel de motoneige «Harricana», les journalistes et les participants s’étonnent de sa présence parmi les Indiens. On lui dit souvent: «Tu as l’accent du Maghreb, tu dois être Algérien ou Marocain. Tu as laissé les grandes villes, qu’est-ce que tu fais là ?»
A force de ne pas voir les siens, on finit par oublier les traits des visages des êtres chers. Au début, malgré le mariage, il était sans papiers et risquait à l’époque l’expulsion. Il était coincé par les principes de son père qui lui avait dit à plusieurs reprises: «Si tu demandes l’asile politique à l’étranger, je te supprime du livret familial». Parfois la nuit, les larmes mettent fin à sa peine. C’est dans ces moments difficiles, au contact de l´oreiller qu´il partage avec sa femme, que son épouse ressent la douleur de Mourad. Elle sait qu´il est seul, loin de sa famille et de son pays, qu’il a fait des sacrifices énormes pour suivre sa femme au nord du Québec. En vingt ans, il a reçu un seul membre de sa famille. Sadjia, sa mère, est venue lui rendre visite à la baie James. Pendant son séjour qui a duré trois mois, de novembre 91 à février 92, les autochtones ont goûté à tous les plats et gâteaux algériens qu’ils préparent encore aujourd’hui. C’est grâce à Mme Djemaï Sadjia que le couscous est connu à Mistissini.
Malgré les traditions et les coutumes auxquels ils tiennent beaucoup, les Indiens sont des gens formidables au contact avec le monde moderne. Des gens pacifiques et tolérants qui respectent les autres cultures.
Ils ont tout: lâkakar qu’ils fabriquent avec la peau des animaux, les médicaments qu´ils préparent sur place... Sa femme, qui prend soin de lui et qui a profité du séjour de sa belle-mère Sadjia pour s’initier à la cuisine algérienne, va faire tout pour l´aider à retrouver l´univers de sa culture algérienne: lui préparer le couscous, les gâteaux algériens, le pain arabe et écouter cheb Hasni et Khaled avec lui.
Pour faire plaisir à Mourad, les chaînes de télévision et les radios des réserves indiennes passent régulièrement sur les ondes des chansons algériennes et repassent parfois les exploits de Morceli et de Boulmerka. Les partenaires de Bila Houdoud sont connus dans la réserve indienne Mistissini et ils le savent. Mourad, qui les a rencontrés à Montréal, avait dit à Mustapha: «Les Indiens ne comprennent pas les paroles mais s’amusent beaucoup en vous regardant». Son projet à l’époque était d’inviter Bila Houdoud à la baie James. Malheureusement, ils étaient coincés par les délais des visas.
Le 12 juillet 1998, les amis de Hicham et de Zineb ont porté le maillot de Zidane. Pareille situation pour les exploits de Nouredine Morceli et de Hassiba Boulmerka. A chaque victoire, les voisins sortent le drapeau algérien et expriment leur joie avec les Djemaï.
Le couple est en harmonie totale. Sally reste à la maison et Mourad part gagner sa vie comme le veut la tradition. Les enfants grandissent dans cet univers algéro-indien qui se développe positivement pour la première fois en Amérique du Nord. Une à deux fois par an, et surtout au mois de ramadhan, Mourad se rend à Montréal avec les enfants et sa femme passer le mois de jeûne et la fête de l’Aïd au sein de la communauté. L´occasion de faire des courses, de voir et de présenter sa famille à ses amis.
Djemaï Hicham Amir et Zineb Amira, âgé de 13 et 10 ans, bénéficient de tous les privilèges réservés aux autochtones en Amérique du Nord. Ils parlent quatre langues, dont l’arabe et le français. Ils sont les seuls Indiens d’origine algérienne au Canada, titulaires du plus important statut au monde, le certificat de statut d’Indien, délivré en mai 2002 par le ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada. Ce certificat donne droit à une prise en charge totale de la part du gouvernement canadien. Les bénéficiaires ne paient pas d’impôts. Tout est gratuit: le logement, l’électricité, les médicaments, la santé, les études et le transport au Canada et aux Etats-Unis. En plus de ces avantages, Djemaï Hicham Amir est propriétaire des terres dans la réserve de Nameska héritées de son grand-père William Trapper, où le drapeau algérien flotte quelque part.
Tout le monde l’admire dans les réserves de la baie James. A la demande des autochtones et à travers les sondages, les gens expriment leur choix et désignent les personnes favorites: c’est ainsi que chaque année, Hicham figure parmi les favoris des autochtones canadiens. CBC Nation, la chaîne de télévision qui diffuse dans toutes les réserves indiennes et à travers le Canada, lui consacre plusieurs émissions.
Hicham Amir est une étoile du hockey, sport favori en Amérique du Nord. Avec son club des Cobras Pee-Wee BB de Lasalle, ils ont atteint cette année la finale du tournoi de Beauport. En 2003, il a été désigné à cinq reprises meilleur joueur du match. En 2003 et 2004, il a été élu meilleur marqueur et champion de la ligue du lac St Louis. Comme ailleurs au Canada, les Indiens aiment le hockey. A l’occasion, ils suivent leurs étoiles originaires des réserves indiennes régulièrement par l’intermédiaire des médias autochtones, dont certains se préparent cet été à se rendre en Algérie en compagnie des enfants bénits.
Source: http://www.lequotidien-oran.com/quot2861/societe.htm