La communauté algérienne (voire nord-africaine, voire arabe) de Montréal a de quoi se réjouir, et avec elle tous les amoureux de musique, de liberté et de vie. Il se cache en ville un trésor qui ne restera plus longtemps secret, l'équivalent nord-africain d'une Lhasa de Sela ou d'une Bïa, qui nous apportent, métissées des influences de leur pays d'adoption, la chaleur et la lumière de leurs origines.

L'Algéro-Québécoise Lynda Thalie est ce trésor par qui le soleil arrive. Elle se produisait mardi et mercredi au Studio-théâtre de la Place des Arts, avec une formation réduite à trois (excellents) musiciens. Cette simplicité obligée (la minuscule scène ne peut en accueillir davantage) a permis de dépouiller les chansons de l'album Sablier de leur sonorité dance, ce qui confirme encore une fois l'adage «moins, c'est mieux».

Pourvu que Lynda Thalie évite les chemins qui ont conduit Lara Fabian et Céline Dion aux succès usinés- et tant de leurs émules sur la voie de garage-, elle aura dans notre showbiz et dans notre coeur une place durable que nul ne pourra lui disputer. Mais le piège est là, et Lynda Thalie longe parfois dangereusement les autoroutes par trop fréquentées de la ballade sucrée à l'aspartame.

Elle a pourtant tellement mieux à faire! Il suffit de la voir chanter Comme un matin à Larabâa ou Alger, Alger pour comprendre. Ce sont ces chansons, celles qu'elle s'est appropriées ou celles qu'elle a écrites pour parler d'elle, de ses souvenirs d'enfance, de l'exil et de la liberté, qui lui vont le mieux. Avec elle, Mon amie la rose, de Françoise Hardy, prend des couleurs résolument orientales, d'une irrésistible sensualité. Même Les uns contre les autres, cette scie tirée de Starmania qu'on a entendue jusqu'à plus soif, revêt des habits neufs lorsqu'elle la refait moitié en arabe moitié en français (dans la même phrase). Elle porte ces chansons comme de lourds bijoux exotiques, les offre comme un fin gâteau de miel, un plateau de dattes et d'oranges qu'on ne demande qu'à goûter. Lorsque, par-dessus le marché, elle esquisse quelques mouvements de baladi, un foulard semé de paillettes métalliques noué aux hanches, sa grâce enjouée et naturelle nous terrasse, tous autant que nous sommes.
Et quand, en clôture de spectacle, Lynda Thalie nous balance Ya Rayah (une chanson de Dahmane El Harrachi, que chante notamment Rachid Taha), sur un mot d'elle, toute la petite salle se lève et danse, mains en l'air, et on entend même quelques youyous. On se dit alors que, décidément, on a bien de la chance: tout ce que la culture arabe a de sensuel, de raffiné, de joyeux est incarné là, libre et vivant, comme un gigantesque pied de nez à tous les éteignoirs du monde.

Source: http://www.cyberpresse.ca/arts/article/1,144,6305,042004,632022.shtml