Mohamed Cherfi, un ressortissant algérien de 35 ans, menacé d'expulsion, qui s'était réfugié dans la paroisse Saint-Pierre de l'Eglise unie depuis le 18 février, dans la ville de Québec, a été arrêté vendredi à midi pour être déporté en fin d'après-midi vers les Etats-Unis, pays par lequel il a transité avant son arrivée au Canada.

La capitale nationale est abasourdie par la nouvelle. En violant le sanctuaire de la paroisse St-Pierre, la police de Québec venait de créer un précédent. Jamais les autorités québécoises ou canadiennes n'avaient osé violer un lieu de culte pour y arrêter des réfugiés. Cette tradition bien qu'elle ne soit pas régie par un texte de loi était bien ancrée dans les mœurs et suscitait le respect de tous. C'est d'ailleurs pour cette raison que les réactions ont été très vives parmi les sympathisants de Cherfi et les personnalités de la ville de Québec. «C'est honteux et irrespectueux envers l'Eglise, les immigrants et tous les citoyens qui ne peuvent plus avoir confiance en l'immunité du sanctuaire», a déploré le pasteur de l'église Gérald Dubé. Qui est Mohamed Cherfi ? Arrivé au Canada en 1998, Mohamed Cherfi a demandé le statut de réfugié politique en invoquant le fait qu'il était objecteur de conscience pour échapper au service militaire. Même si sa demande a été déboutée, ce dernier n'a pas été renvoyé vers l'Algérie et a bénéficié d'une protection temporaire, compte tenu du moratoire établi par les autorités canadiennes entre mars 1997 et avril 2002, date à laquelle 1060 demandeurs d'asile d'origine algérienne déboutés se sont retrouvés menacés d'expulsion. Pour pallier la situation, les sans-statut ont formé un comité d'action pour faire entendre leur voix auprès des autorités de l'immigration. Cependant, ce qui a sans aucun doute rendu leur cause célèbre et sympathique auprès de l'opinion publique, c'est la famille Bourouissa-Seddiki qui s'était réfugiée dans une église montréalaise après avoir reçu un avis d'expulsion. L'histoire avait fait le tour du Québec. L'image de cette maman traînant son bedon de quatre mois et son marmot de deux ans avait fini par bouleverser la société québécoise. Face à un tel élan de solidarité, le ministre de l'Immigration de l'époque, Denis Coderre, n'eut d'autre choix que de trouver une solution rapide pour la famille et pour les Algériens qui n'étaient plus protégés par le moratoire. C'est alors qu'il consultât son vis-à-vis québécois. A deux, ils mirent en place une procédure d'immigration basée sur un processus de sélection qui tient compte de critères d'intégration. Cette procédure exceptionnelle a vite porté ses fruits en rendant éligible à l'immigration 90% des demandeurs. Mais il reste les 10%… et en bout de ligne, Mohamed Cherfi s'est retrouvé dans ce petit peloton qui a essuyé un refus. Ce dernier, qui était sous le coup d'un ordre d'expulsion du Canada depuis le 10 février, se disait victime d'une injustice. «Pour avoir été porte-parole du Comité d'action des sans- statut et avoir exprimé publiquement des positions critiques à l'encontre du régime algérien, je cours des risques importants», pouvait-on lire dans un communiqué de presse qu'il a diffusé le 18 février, et où il mentionnait le rapport de la FIDH qui fait état de la situation en Algérie. Il y a deux semaines, d'aucuns se demandaient pourquoi Cherfi avait choisi la ville de Québec, alors qu'il a toujours résidé à Montréal ? Etait-ce en raison de la primeur de la nouvelle ? Il est vrai que l'histoire avait fait boule de neige dans les médias et même loin. Cherfi continue de faire parler de lui. Une affaire à suivre.

Source: http://www.elwatan.com/journal/html/2004/03/09/epoque.htm