Le président français a tiré les leçons des expériences malheureuses de la diplomatie française avec les pays du Maghreb, notamment en Tunisie et en Algérie.

L’évolution de la situation en Tunisie, avec tout ce qu’elle a créé comme débat en France, incite le chef de l’État français à adopter une attitude plus prudente. Au cours d’une conférence de presse à Paris, le président français a revendiqué “une certaine réserve” de la France concernant ces évènements et “spécialement en Algérie”.

Arguant du fait que “le président de la République française doit tenir compte du poids de l'histoire dans le jugement qu'il porte sur l'évolution de chacun de ces pays” qui sont d'ex-colonies, a déclaré M. Sarkozy. “Je revendique une certaine réserve lorsqu'il s'agit de commenter les évènements de pays qui ont été la France et qui ne le sont plus”, a-t-il ajouté. “Je revendique cette réserve, ce recul, spécialement sur l'Algérie”, a-t-il précisé.

Très mesuré, le président français, contrairement à ses habitudes, s’est refusé de se perdre en conjectures, lorsqu’une journaliste allemande lui a posé une question sur la disponibilité de la France à accueillir le président Bouteflika si l’Algérie devait connaître les mêmes évènements que la Tunisie ; Nicolas Sarkozy, visiblement surpris, a répondu après un peu d’hésitation : “En visite officielle !” “Vous imaginez l’exploitation qui risque d’être faite de ma réponse dans un grand pays comme l’Algérie ?” a poursuivi le président français.

Nicolas Sarkozy a, donc, pris la mesure des conséquences pouvant découler d’une prise de position, surtout par ces temps d’incertitudes. D’ailleurs, la diplomatie française est dans le flou. Elle a du mal à anticiper sur des évènements qui semblent lui échapper totalement. On est loin de l’attitude “interventionniste” de Kouchner. On est en pleine realpolitik, et la Révolution du Jasmin aura, au moins, permis de mettre un bémol à l’arrogance affichée de par le passé par la France officielle, dès qu’il s’agit de ses ex-colonies.

D’ailleurs, même pour le cas de la Tunisie, Nicolas Sarkozy tente de minimiser le “péril intégriste”, arguant du fait que l’expérience des voisins — allusion à l’Algérie — est dissuasive. Tout en écartant la possibilité d’une prise de pouvoir des islamistes, il n’a pas nié le fait que ces derniers profitent de la fermeture du champ politique et des frustrations qui vont avec pour en tirer des dividendes. En tout état de cause, la nouvelle attitude officielle française tranche singulièrement avec le débat qui ne cesse d’enfler en France au sujet de la situation en Tunisie, un peu plus qu’en Algérie. L’une des rares personnalités de l’opposition à s’exprimer sur l’Algérie fut Ségolène Royal, adversaire socialiste de Nicolas Sarkozy en 2007 et candidate aux primaires de son parti pour la présidentielle de 2012, qui a demandé au pouvoir algérien d’organiser sa transition. “Pourquoi le peuple algérien souffre-t-il de pauvreté, de précarité alors qu'il y a tant de richesses ?” s’est interrogée Mme Royal.

“Il est évident aujourd'hui que l'Algérie doit organiser sa succession et il faut que ceux qui sont en place fassent preuve de sagesse, prennent la mesure, l'importance et la gravité de la situation et s'en sortent par le haut en accompagnant la transition démocratique.” Mais, a-t-elle prévenu, “cela suppose de ne pas agir trop tard”. La gauche française, n’étant pas départie de ses réflexes, essaye de ne pas trop s’impliquer, ni de s’ériger en donneuse de leçons, sachant que, dans le cas tunisien, elle a beaucoup plus tenté de se défendre de “ses amitiés tunisiennes” que de proposer la “conduite à tenir” à la société tunisienne.

Source: Liberté