C’est sous les applaudissement d’une foule venue nombreuse au centre Molson pour assister à la collation des gradés (nouveaux diplômés) que la grande dame de la littérature algérienne Assia Djebbar a reçu un doctorat honoris causa de l’université canadienne Concordia pour la totalité de son œuvre.

C’est avec une grâce qui lui est propre, une émotion certaine que la romancière a rappelé en quelques mots les relations d’amitié entre les deux pays. «Le Canada a été une terre d’asile pour beaucoup d’Algériens qui ont fui l’intolérance et la violence», a-t-elle dit en s’adressant à un auditoire composé de nouveaux diplômés, et de nombreux professeurs d’université. «En Amérique du Nord, c’est peut-être le pays (le Canada) où les universitaires algériens, pas seulement ceux qui sont venus dans les années 90, même avant, sont le mieux accueillis. Les relations culturelles entre les deux pays ont été très vives et bien avant les événements douloureux que nous avons vécus, nous a-t-elle dit en entrevue. Je me rappelle que déjà dans les années 80, des universités canadiennes avaient témoigné de l’intérêt pour mes œuvres. N’est-ce pas Mair ? C’est bien en 1980 que je suis venue pour la première fois au Québec?» «Oui, c’est cela Assia... plutôt... 1982.» Mair Verthuy, une dame de raffinement à l’élégance viennoise et au regard verdoyant c’est une amitié vieille de vingt ans, et une passionnante complicité intellectuelle. Doyenne de l’institut Simone de Beauvoir à Montréal, Verthuy est présidente de l’Association des professeurs de français des universités et collèges canadiens. Fascinée par la littérature maghrébine au féminin, elle introduit les œuvres d’Assia Djebbar dans les universités canadiennes, et ce dès le début des années 70. «Notre désir d’aller chercher des femmes d’ailleurs était grande» nous explique la doyenne. «Lorsqu’était venu le temps de notre congrès annuel en 1982, j’ai dit : “Il faut absolument inviter des femmes. Nous avions deux invitations de l’ambassade de France dont une était destinée à Assia”. «Ce que j’aime dans son œuvre, c’est la multiplicité des voix, poursuit Verthu. Lorsqu’on se met à enseigner l’œuvre d’Assia Djebbar, on mesure l’écart qui existe entre la France et le Québec qui n’est pas un pays colonialiste et de ce point de vue, c’est très intéressant parce qu’en fait, on parle aussi de la France mais vue par une Algérienne.» Friande de rencontres avec les associations algériennes, Assia Djebbar, qui enseigne actuellement la littérature française à l’université de Bâton-Rouge en Louisiane.

Source: http://www.elwatan.com/journal/html/2002/06/16/cad_epoque.htm