Rezki Grim vient de lancer son troisième album qu’il a intitulé Tid id-a&-yadran "Notre sort". Dans une atmosphère artistique presque médiocre et horriblement folklorisée, son œuvre tombe au point nommé pour donner espoir aux amoureux de la chanson algérienne d’expression kabyle.

Ouf, la relève de qualité est finalement possible. Composé de six chansons, son dernier album, traite de l’amour pour la femme, de l’amour pour sa patrie, des aléas de l’exile, de la tyrannie que subit son pays d’origine, de son identité amazighe malmenée et de l’espoir de rentrer un jour chez lui pour reprendre le cours normal de sa vie auprès de sa famille, de ses amis et de son peuple. Sa poésie et ses mélodies recherchées ont, tout en gardant l’âme kabyle,  réussi à marier des styles musicaux divers dont le chaabi et le rock. Avec une voix intense, claire et pleine de sensibilité, il interprète des textes intelligemment habillés de mélodies magnifiques. En effet, sa voix rend d’une façon magistrale  la douleur et les espoirs d’un Kabyle attaché à ses racines et à sa terre. Les odeurs des arbres et de la terre de ses ancêtres lui manquent terriblement. Les dérives de la gestion des gouvernants algériens, qui flirtent avec les islamistes et la mafia, ont a détruit presque tout ce qui est beau dans un pays qui a un potentiel inimaginable. Rezki fait partie de ces jeunes algérien pleins de talents et de projets, mais qui se sentent étouffés et marginalisés par l’indifférence de l’administration aux ordres.

Pourquoi ces plaies permanentes ?

Ses trois albums sont un véritable et triste voyage dans l’Algérie de ces vingt dernières années avec ses hauts et ses bas, mais surtout ses bas. Les Algériens ont connu toutes les douleurs que ceux qui ont pris les armes en 1954 n’avaient pas soupçonnées pour leurs descendants une fois le pays affranchi du joug colonial. La censure, le déni identitaire et la répression qui se sont abattus sur la Kabylie l’ont marqué. Les assassinats de ses compatriotes par les forces du mal l’ont touché au plus profond de son âme. La corruption, le clientélisme et le désespoir qui sont devenus maîtres des lieux le révoltent au plus haut point. Devant des impasses inexplicables, l’espoir et la résistance sont devenus désormais sa source d’inspiration et sa raison d’être. Bref, le vécu de l’Algérie a été passé au crible dans la tête de l’artiste. Et sa superbe voix rend très bien son message, voire ses messages. Pour lui, l’Algérien n’arrive pas à avoir un peu de répit. À chaque fois qu’il aperçoit une petite lumière au bout du tunnel, une autre plaie s’ouvre et déverse son venin.

Slimane Azem et l’exil

Ayant perdu son père à l’âge de 12 ans, Rezki Grim s’est entouré d’un monde artistique de qualité. Un univers qui a peuplé sa tête et son cœur notamment celui de Chérif Kheddam, de Nouara, d’El Hasnaoui, de Matoub et de Slimane Azem, son modèle. Quand il vivait en Algérie, Rezki comprenait certainement l’amour que portait Slimane Azem pour son pays et tout ce qu’il disait sur la régression des valeurs qui faisaient jadis la fierté de la Kabylie et de l’Algérie. Cependant, il était loin de saisir les douleurs que pourraient provoquer les déboires de l’exil et du déracinement. Maintenant, il le sait puisqu’il s’est exilé à son tour au Québec depuis 2007 pour respirer, ramasser ses esprits et pouvoir vivre des expériences qu’il ne pourra jamais connaître dans un pays guidé par des mentalités rétrogrades et la chute des valeurs dans tous les domaines : «  J’ai appris beaucoup de choses au Québec, mais j’ai  réalisé aussi que quitter son pays n’est pas une solution non plus. Tout me manque : ma famille, mes amis, ma terre, les sons du silence et les odeurs de nos forêts », dira t-il avec beaucoup de nostalgie et de tristesse.  Cette phase de questionnement est omniprésente dans ses textes et ses mélodies. Il croit sincèrement que cet exil est une malédiction, une sorte de génocide qui vide le pays de ses meilleurs enfants et qui déracine des êtres de leur milieu naturel. Parallèlement à son talent de chanteur, Grim est également comédien. Il a joué dans certains films ou feuilletons algériens d’expression amazighe. Celui qui l’a le plus marqué est son rôle dans le feuilleton sur Si Mohand.

L’avenir?

Il s’est produit plusieurs fois lors des activités de la communauté. Il chantera le 26 mai lors du spectacle que donnera Nouara en guise d’hommage au maestro de la chanson algérienne d’expression kabyle Chérif Kheddam : «  C’est vraiment un honneur pour moi de chanter lors du spectacle de la diva Nouara que j’admire depuis toujours ».  Cet évènement, organisé par le Festival Culturel Nord-africain de Mourad Mahamli, aura lieu au théâtre Outremont à Montréal. Après toutes ces activités qui s’enchainent ces derniers mois d’une façon impressionnante au sein de la communauté, Rezki organisera une soirée pour marquer la sortie de son nouvel album. Avant que les gens n’aient découvert ce dernier, un autre album, peut-être bilingue, est en train de mijoter dans sa tête et dans ses bouts de papiers d’artiste.