Fatiha Ouessaï est Algérienne, elle a fait partie de cette « armada » d’informaticiens de haut niveau qui ont sauvé, en un temps record et dans un contexte difficile, les grandes compagnies américaines, menacées par le « bogue » de l’an 2000.

Depuis 12 ans, elle évolue, sans difficulté, dans l’univers des nouvelles technologies parmi les brillants spécialistes des systèmes informatiques. Sa formation de base, très solide, acquise d’abord à Bel Abbès, puis à Oran et ses connaissances en mathématiques sont la clef de sa réussite. D’après Yves Boulanger, son ancien directeur de projet chez Cognicase, « Fatiha est une femme très douée, capable de comprendre rapidement les programmes complexes et de mettre en oeuvre les idées des théoriciens ».

En 1998, elle a fait partie d’une équipe d’urgence (swat) dépêchée à Los Angeles, où elle avait séjourné pendant deux mois. À l’époque, elle ne parlait pas l’anglais. L’Algérienne a travaillé dans une dizaine d’entreprises et côtoyé les grands de l’informatique, dont l’inventeur français des méthodes d’analyse de données, le docteur Benzekri. Son CV est hors norme. C’est en 1982 qu’elle obtient un bac en mathématiques et entame deux années d’étude en sciences exactes à Sidi Bel Abbès (1982 à 1984). En 1988, elle obtient un diplôme d’ingénieur en informatique de l’Université d’Oran et quitte la capitale de l’ouest pour Bel Abbès, où elle décroche son premier emploi à l’Entreprise Nationale des Industries Électroniques (ENIE). Entre temps, elle donne des cours théoriques et pratiques de programmation à des étudiants des 1er et 2e cycles universitaires de novembre 1990 à juillet 1991. Après le travail, son temps libre, Fatiha le passe au centre culturel, où elle initie, bénévolement, adolescents et adultes à l’ordinateur. L’entreprise où elle travaille (ENIE) emploie plus de 3000 agents et cadres dans ses différents domaines d’activités, elle était en plein essor, jusqu’au moment où les groupes terroristes ont saboté l’usine et assassiné le 21 septembre 1993, deux géomètres français dans la région. Au moment où ces évènements tragiques se déroulent en Algérie, Fatiha Ouessaï se trouvait en France. Les nouvelles en provenance de sa région natale ne sont pas rassurantes. Indécise sur son avenir ? Elle est accablée de soucis. Fatiha, malgré le climat qui règne en Europe après la menace terroriste, est maintenue à son poste au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS). Elle participe avec un groupe de chercheurs en métallurgie à la conception des programmes et à l’application de méthodes d’analyse de données. Pour elle, c’est une première expérience positive en France. Son travail ne s’arrête pas là puisque parallèlement à ce qu’elle fait, elle donne des cours de mathématique dans un lycée professionnel de Saint-Martin d’Étampes (1992) et prépare un certificat de technologie et de gestion d’entreprise à l’Université de Paris Sud. Grâce à ce diplôme obtenu en 1995, elle est engagée par Semeneko où elle informatise l’entreprise puis demeure à la tête du service informatique. Au bout de trois ans, elle quitte son travail pour un autre ou plutôt un continent pour un autre. C’est l’aventure américaine qui s’ouvre à elle et n’a aucun problème pour trouver du travail. De Semeneko en Europe, elle passe à SHL Systemhouse au Canada. On est au seuil du troisième millénaire, le monde est confronté aux problèmes liés au bogue de l’an 2000. Riche de son expérience, Fatiha Ousseaï va effectuer un travail remarquable. Au sein de l’entreprise, elle est chargée de la mise à jour des applications dans le cadre des projets de migration à l’an 2000. Un travail en groupe effectué sur divers types de sources et sur plusieurs plates-formes, du niveau supérieur. Cognicase, une entreprise d’informatique montréalaise l’engage comme chef d’équipe et de projet.

Ses employeurs sont séduits. Côté travail, il n’y a rien à dire. Sa mission est claire.

Participer au sein d’une équipe à sauver les systèmes informatiques des plus grandes compagnies au Québec. Fatiha est déjà rodée pour ça. Que ce soit avec Cognicase ou Nurum, à partir de mars 1998, avec son équipe, elle vivra une aventure unique dans les grandes compagnies telles que Provigo, les Studios Universal Los Angeles, Bombardier Aéronautique, Giau France, Quebecor World, PCPC Canada, Purolator et enfin avec la Banque Nationale et la compagnie IBM. Pour partir de Cognicase, elle prend de gros risques. Elle démissionne et rejoint Nurum. En fait, c’est un directeur de projet avec qui elle a travaillé en Californie qui l’avait convaincue de rejoindre Nurum. Dix-huit mois plus tard, elle est accueillie de nouveau à bras ouverts chez ses anciens patrons, Cognicase. L’Algérienne est consciente de tout cela, affirmant : «Je n’ai pas réalisé mes rêves d’enfance, mais ce que je vis maintenant pour moi était inimaginable dans ma jeunesse ». Et d’ajouter, « si je suis là, c’est grâce à mon père. Pour ses enfants, il a fait un grand sacrifice. Il a quitté sa ville natale, Al Bayadh, et sa famille pour habiter une grande ville. Il voulait à tout prix que nous continuions nos études supérieures ».

Que ce soit au Canada ou ailleurs, elle a une chance inouïe d’échapper aux affres de l’exclusion. Pourtant, ses compétences et ses diplômes, à eux seuls, n’expliquent pas sa réussite ni la facilité avec laquelle elle trouve du travail. Tout la sépare de ses collègues : sa culture, son éducation, des diplômes et une expérience acquise hors du Québec. À ses débuts, sa méconnaissance de la langue anglaise constituait un handicap de taille pour elle, malgré cela, elle a été acceptée partout. L’explication donnée par Cathérine Moor, traductrice d’origine belge vivant au Québec depuis 1980, est simple, « la chance de l’Algérienne réside dans le fait qu’elle est spécialisée dans un domaine très recherché par les compagnies d’informatique ». Oui, répond Yves Boulanger, « mais malgré les diplômes et la spécialisation, on ne recrute pas n’importe qui. En plus de ses qualités, Fatiha à l’esprit d’initiative et d’autonomie, et ça c’est rare ». Actuellement, Fatiha Ouessaï travaille dans un secteur très important de l’économie canadienne. Elle fait partie d’un groupe qui gère les systèmes informatiques de la plus importante banque au Canada.

Elle est en état d’alerte permanent. « Une semaine sur deux », dit-elle, « mes supérieurs peuvent m’appeler à n’importe quelle heure. Dans mon secteur, nous sommes deux à assurer le bon fonctionnement des systèmes informatiques ».

En plus de ses compétences, l’Algérienne est très engagée socialement, aidant entre autres, les nouveaux arrivants à trouver du travail dans le domaine de l’informatique. Tout au long de ces années, elle a su percer et se maintenir en dépit des temps difficiles qui ont secoué la communauté arabe d’Amérique.

Le secteur informatique, lui aussi, a connu une crise après l’an 2000 et les évènements du 11 septembre. Malgré cela, Fatiha a conservé son poste et la confiance de ses supérieurs. En 2005 Fatiha a mis au monde Amine, son premier enfant qui va combler ses jours.