QUEBEC - Pour combler en partie la pénurie de main-d'oeuvre à venir, le Québec ouvre grandes ses portes aux travailleurs qualifiés français.

En contrepartie, les travailleurs québécois de la santé et de la construction, les avocats, les architectes ainsi que plusieurs autres professionnels pourront aller exercer leurs talents dans l'Hexagone.

Signée vendredi en grandes pompes par le président de la République française Nicolas Sarkozy et le premier ministre du Québec Jean Charest, "L'Entente sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles" lève l'essentiel des obstacles pour les travailleurs désirant s'établir de part et d'autre de l'Atlantique.

Fait inusité, en vertu de cet accord bilatéral, il sera plus facile pour un professionnel originaire d'Alsace de travailler au Québec que pour un diplômé albertain.

Il s'agit d'une entente "historique", a dit la ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay, en conférence de presse à Québec.

L'accord permettra, a-t-elle dit, de "réduire de 50 à 80 pour cent les délais requis" pour l'obtention d'un permis d'exercice ou d'un certificat de compétence.

Ainsi, un médecin français nouvellement établi au Québec pourra pratiquer sa profession après une courte période d'arrimage de deux ou trois mois (par le biais d'un stage, par exemple).

Le changement est radical. A l'heure actuelle, le même médecin bardé de diplômes d'institutions françaises ne peut espérer pratiquer au Québec qu'après un long et coûteux processus de qualification, une procédure qui peut prendre des années.

D'ici deux ans, au plus tard, 45 ordres professionnels et 48 métiers réglementés au Québec devront conclure avec leurs équivalents français des "Arrangements de reconnaissance mutuelle" (ARM) des diplômes et de la qualification professionnelle.

Les représentants d'une vingtaine de métiers et professions ont déjà annoncé leur intention de signer un ARM au cours de l'année 2009. Parmi ces professionnels figurent les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les architectes, les avocats, les comptables agréés et les arpenteurs-géomètres.

Dans la liste des métiers se retrouvent entre autres les peintres, les opérateurs d'équipements lourds, les mécaniciens, les couvreurs et les maçons briqueteurs.

Mme Gagnon-Tremblay espère que l'entente permettra au Québec d'accueillir davantage de travailleurs qualifiés francophones au moment où se dessine une grave pénurie de main-d'oeuvre.

"Au cours de la période 2007-2011, près de 700 000 postes seront à pourvoir au Québec. La croissance économique devrait engendrer 246 000 nouveaux emplois et 450 000 postes seront disponibles à la suite de départs à la retraite", a-t-elle expliqué.

Mais l'entente Québec-France ne suffira pas à elle seule à combler les besoins de main-d'oeuvre, admet d'emblée la ministre, d'autant plus que de nombreux travailleurs québécois voudront aussi profiter de l'accord et s'installer outre-Atlantique.

Cela pourrait être le cas pour bien des professionnels de la santé, courtisés par la France qui leur offre des conditions fort avantageuses.

"Ils peuvent peut-être gagner plus cher ailleurs, mais il faut aussi tenir compte de notre qualité de vie. Nos grands espaces et notre qualité de vie, je pense que c'est à prendre en considération", a dit la ministre Gagnon-Tremblay

Elle a dit croire que le Québec gagnera plus de travailleurs qu'il en perdra au profit de la France.

Mme Gagnon-Tremblay souhaite par ailleurs que l'entente fera école non seulement en Europe mais aussi au Canada, où de nombreux obstacles freinent le mouvement des travailleurs canadiens entre les provinces.

Une "règlementation trop lourde" sape la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada, a dénoncé la ministre.

"C'est inadmissible qu'un Québécois ne puisse pas travailler partout au Canada et vice-versa alors qu'on signe une entente avec la France", a laissé tomber Mme Gagnon-Tremblay, rappelant que des négociations sont en cours avec l'Ontario et les autres provinces pour aplanir les difficultés.

Le premier ministre Charest s'est d'ailleurs personnellement engagé, au moment de signer l'entente avec la France, à "régler" le problème de la circulation de la main-d'oeuvre entre les provinces canadiennes. "Je m'en charge", a-t-il lancé.