À Punta Cana, après une journée reposante où je me suis allongé sur le sable fin, face à une mer caribéenne de couleur turquoise, une veillée abracadabrante à la discothèque en dansant la salsa et le meringué et une consommation non contrôlée et trop exagérée de la Mama-Juana1, je me suis dirigé vers ma chambre pour solliciter un câlin dans les bras de Morphée.


J'ai rêvé et j'ai vu dans mon songe chimérique, un visage blanc angélique à la chevelure raide et à la teinte grise.  Ce biquet mignon était derrière des barreaux et assis au fond, les jambes ramassées au thorax, le menton entre les deux tibias et le regard promeneur comme un phare balayant l’horizon à la quête d’un navire perdu à la recherche d’un port au bord d’une terre des vaches. Je suis entré, par magie, dans la cellule, sans l’ouvrir tel un fantôme ou comme une bouffée de fumée sortant des narines dégageant une saveur de pomme d’un narguilé. 

Je me suis approché de la silhouette pour authentifier le portrait et j’ai pu constater qu’il s’agit du fils d’Aïn-El-Beïda, propriétaire et ministre responsable du royaume de l’éducation de l’État Algérien, Boubakeur Benbouzid.

Par bienséance et bonnes mœurs, je me suis dépêché pour  m’approcher du ministre à vie et essayer de comprendre la circonstance de l’état des choses.  En arabe classique et bien loin de la langue du bois, je l’ai interpellé, son excellence, monsieur le ministre (ma3ali alwazir), que vous arrive-t-il? Quel mauvais sort vous amène dans cette maudite geôle?  Deux petites larmes descendirent en prenant la courbe des deux joues en faisant jonction au menton et tombèrent sous l’effet de Newton sur un carré rouge attaché à sa chemise bleue par une épinglette dorée.

J’ai laissé mon Algérie, mon royaume bouzidiste, mes élèves, mes professeurs, mes cours d’écoles, mes classes bien décorées, etc.  Je suis venu prêter main forte aux étudiants, aux démunis, aux socialistes, aux gauchistes, aux kadiristes, aux adeptes du feu Michel Chartrand et aux amoureux du regretté Pierre Falardeau. 

Je voulais expliquer mon expérience de réussite à me maintenir en place sur le ministère de l’éducation malgré les arrivées et départs de plusieurs présidents et premiers ministres.  Les allégeances politiques et les couleurs des partis n’ont pas d’effet sur moi.

Je voulais expliquer comment détruire, ruiner et défaire un système d’éducation sans pour autant se soucier du succès de le rebâtir.  Je voulais communiquer et révéler à tous, les manipulations pédagogiques en quête d’un meilleur sort et destin. 

Je voulais faire connaître aux professionnels de l’éducation, comment joindre les deux bouts de la fin du mois et réussir à divulguer les sujets d’examen. En d’autres mots, expliquer les rudiments du marché parallèle soutenant l’économie du marché.
Je n’étais pas chanceux!  À l’aéroport, j’étais intercepté par les Charest, les Legault, les Benhabib, les Martineau et j’en passe.  Ils m’ont accusé de poutinisme, de communisme, de marxisme, de léninisme et de toute sorte de nom d’oiseau.  Ils m’ont amené manu-militari à ce centre, sans droit de parole ni avocat de défense.

Parmi les interprétations des rêves trouvées sur le net, une d'elles a vraiment un sens satisfaisant.  Se voir en prison dans un rêve veut dire qu'il s'agit d'un besoin d'aide qu'éprouve la personne incarcérée.  Voir quelqu'un en prison veut dire que la personne a une position garantie dans la vie. Le comble de l'ironie, j'ai téléphoné à ma mère pour confirmer ou infirmer l'interprétation.  Elle m'a expliqué dans ses mots que la signification de ce rêve que Benbouzid (et je n'ai pas dit que c'était Benbouzid, le ministre) est là pour rester jusqu'à sa mort naturelle.


1 Mama Juana est une boisson dominicaine faite à base de  rhum, de vin rouge, de miel et d'herbes aphrodisiaques.  On l’appelle aussi, le viagra antillais.