L’occasion est bien belle. L’Action démocratique du Québec, la formation créée par Mario Dumont qui a fait de l’immigration son cheval de bataille, a toute les peines du monde à se relever. Elle agonise dans de violents spasmes qui ont emporté jusqu’a son chef récemment (mal)élu, Gilles Taillon.
Dans ce contexte, le Parti québécois s’est empressé d’afficher au grand jour ses velléités de mettre la main sur une partie de la dépouille adéquiste, en annonçant un programme dont le point d’orgue consiste en l’interdiction faite aux enfants d’immigrants de s’inscrire dans des écoles non-subventionnées. Une manière de récupérer quelques voix du côté d’Hérouxville. C’est presque un coming-out politique de la cheffe du PQ. Certes, selon la proposition de Pauline Marois, on ne cherche qu’à étendre la Loi 1001 aux écoles privées qui ne perçoivent aucune aide de l’État, mais des élus péquistes comptent l’élargir aux collèges du Québec.
Cette dernière question n’a jamais été soulevée sous les gouvernements bleus de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry. Aujourd’hui, les « purs et durs » du PQ ne se font pas prier pour imposer leurs vues. On pourrait aisément voir la main d’un Joseph Facal ou d’un Pierre Curzi, deux fils d’immigrants qui œuvrent ouvertement et avec un incroyable zèle pour le durcissement de la Loi 101. C’est leur choix, mais de là à obliger les autres à faire leurs études au cégep en français, il y a un pas qui, s’il est franchi, risquerait d’envenimer la situation dans la Belle Province.
Même André Boisclair n’est pas allé aussi loin que sa successeure à tête du PQ dans l’art de courtiser l’électorat traditionnel de l’ADQ. «Nous n'avons pas peur d'affirmer ce que nous sommes», a-t-elle déclaré, fin novembre, devant des dizaines de militants surexcités, rassemblés lors d’un colloque sur le développement culturel organisé à Montréal.
L’atelier principal, qui s’est tenu sous le slogan «Le renforcement de la langue française au Québec et à Montréal», s’est transformé en un défouloir public des partisans d’un durcissement de la loi. Une collaboratrice de Pauline Marois n’a pas résisté devant l’envie d’étaler tout son énervement. Raison : elle ne peut « s’acheter un baguel en français ». Authentique! Des paroles qui nous ramènent aux journées houleuses des consultations autour des accommodements raisonnables.
Après l’idée d’un contrat moral que devrait signer chaque nouvel arrivant et celle d’une citoyenneté à rabais pour les immigrants récalcitrants à l’idée d’assimiler la langue française, deux projets qui ont vite fait pschitt !, voilà que les Péquistes nous remettent ça avec une revendication parmi les plus musclées, oubliant que, quelques jours auparavant, la Cour suprême du Canada, donc le plus haut tribunal du pays, a dénoncé la Loi 104 comme injuste et inappropriée. Celle-ci avait été adoptée en 2002 pour colmater une brèche dans la Loi 101. À présent, elle est déclarée inconstitutionnelle, car « elle viole le droit fondamental des enfants d’immigrants et des enfants de Québécois de souche de poursuivre leurs études à l’école publique anglaise après avoir fréquenté l’école privée anglaise non subventionnée durant une année ». Ni plus ni moins.
Si les immigrants font des mains et des pieds pour contourner la loi en question, en envoyant leur progéniture dans des écoles anglophones, que ce soit au Québec (écoles non-subventionnées) ou ailleurs, c’est qu’ils ont leurs raisons. Le comble est que le PQ ne cherche même pas à les connaitre. Que peut offrir Pauline Marois aux immigrants auxquels ont refuse la première expérience professionnelle tant désirée because quelques lacunes avérées dans la langue de Shakespeare ? De la compassion ? Malheureusement, ça ne mène pas loin...
Permettez-moi de reprendre une demande proclamée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les peuples d’Europe centrale et orientale, à l’heure où tout le monde avait les yeux rivés sur les discussions de Yalta : « Rien ne se fera sans nous ! ». Autrement dit, inutile de discuter de notre avenir sans nous.
Il serait plus judicieux d’ouvrir des dossiers intéressant les communautés culturelles le jour où leurs représentants auront leur mot à dire dans les instances de l’État québécois. D’ici là, les immigrants savent bien ce qui leur convient : sortir de la précarité le plus vite possible. Et si la solution passe par l’assimilation des rudiments de la langue anglaise, le plaisir ne serait que plus grand.
Curieusement, la dimension « intégration professionnelle » (des immigrants…Cela va de soi…) a vite été évacuée du débat inter-péquiste, alors que la formation de Pauline Marois porte une grande responsabilité dans la précarisation que connaissent divers groupes ethniques. Au lieu de cela, on nous sert de nouveaux interdits. Pourtant, dans son rapport final, la Commission Bouchard-Taylor y voit là l’une des sources du malaise persistant au sein de certaines communautés.
Il faut s’attendre au pire. Je doute que l’exemple de la Suisse qui vient d’interdire la construction de minarets ne trotte pas dans la tête d’un dirigeant du Parti québécois. Au cas où on ne trouverait pas de prétexte valable, on pourrait toujours brandir la sacro-sainte laïcité…