La machine s’est finalement mise en branle. Elle est à 100% de production algérienne. Son nom est plus qu’évocateur : le Mouvement national des générations libres. On se demande où se cachaient jusqu’ici ces générations libres dans un pays où les libertés ont été sacrifiées au « tout sécuritaire » et aux dénis de toutes sortes…

 

On connait le FLN et son penchant pour limiter les libertés, dorénavant il faudra s’habituer à l’acronyme MNGL. C’est la dernière invention du camp du président Abdelaziz Bouteflika. En vérité, c’est une pâle copie du « parti du roi », le tout nouveau Parti de l’authenticité et de la modernité qui, sitôt créé sous l’égide d’un camarade de classe du souverain alaouite, a remporté les récentes élections organisées au Maroc. Le PAM réunit, comme l’a bien remarqué un blogueur marocain, « …notables, politiques et célébrités des ONG comme le fumier attire les mouches. »

La nouvelle formation algérienne rappelle également les Nachi de Vladimir Poutine, ce formidable instrument qui a permis aux KGBistes de Saint-Pétersbourg d’asseoir leur pouvoir. Tels les « pionniers de la Révolution » du temps de l’Union soviétique, les jeunes poutiniens sont prêts à se sacrifier corps et âmes à la patrie. Ils sont là pour galvaniser les foules et ne pas leur permettre de douter. Une société étroitement encadrée peut avaler la plus grosse des couleuvres. D’un autre côté, il faut resserrer l’étau sur les « esprits libres ». À la tête de la pyramide, par contre, c’est l’opacité la plus totale. La recette est simple et maintes fois testée.

Cette configuration voit le jour habituellement là où les gouvernants ne bénéficient pas de l’appui du peuple et où le régime pèse de tout son poids sur les citoyens. Elle est appliquée dans des pays où les atteintes aux droits de l’Homme sont monnaie courante et les syndicats libres une menace pour le sérail. Dans un contexte marqué par des foyers de tension épisodiques et une corruption endémique, il faut parer à toute éventualité. La méfiance doit être de mise chez les gouvernants. L’Algérie ne déroge pas à cette règle. 

L’expérimentation algérienne débute par un mensonge et quelques aberrations. Mensonge, parce que le Mouvement national des générations libres n’est pas une ONG, comme soutiennent ses stratèges. C’est bel et bien un parti politique dont les intérêts divergent avec ceux de l’ensemble des Algériens. Ces « générations libres » ont les yeux rivés sur la rente. Ceux qui suivent de près la scène « politique » algérienne y voient le long bras de Saïd Bouteflika, un homme sans charisme et d’une avidité sans bornes. Au sens propre comme au sens figuré.

Les aberrations devraient interpeller encore plus les Algériens. En fait, il y en a deux :
Tout d’abord, rien ne peut expliquer le parachutage à la tête de la pseudo-ONG d’un personnage aussi sulfureux que ce Moussa Sassi, l’ancien artisan des comités de soutien à la candidature de l’ainé des Bouteflika. Mettre entre les mains de l’oligarque djelfi un parti qui, dans quelques années, devrait faire la pluie et le beau temps en Algérie relève de l’irresponsabilité.

Même dans un pays où l’on a tout vu, la promotion de quelqu’un qui a été inculpé (mais pas encore condamné) pour des délits gravissimes devrait susciter la désapprobation.
Mourad Sassi, n’est-ce pas ce même conseiller du président dont le nom fut lié au scandale du fils du wali de Blida? D’ailleurs, il a été pris la main dans le sac. Comme un enfant. C’était en 2005 et les chefs d’inculpation étaient très lourds : corruption, trafic d’influence, complicité et dilapidation de deniers publics. Excusez du peu… Après l’amnistie « présidentielle », nos médias ont-ils décrété l’amnésie, puisque personne n’a daigné évoquer cette tache noire dans le parcours de Monsieur Sassi?

Comme un malheur ne vient jamais seul, le MNGL nous offre une seconde aberration : sa composante même. Dans la nouvelle formation, on y trouve notamment d’anciens (?) militaires et des cadres représentants la communauté algérienne à l’étranger. Étranges connexions pour une ONG! Ces militaires à la retraite devraient se caser dans un petit paradis fiscal et laisser les générations libres (les vraies!) décider de leur sort. 
Parions, toutefois, que la composition du « parti » est bien plus proche de la peuplade du Club des Pins ou du groupe qui a entouré Khalifa Jr jusqu’à son évasion.

Lors de l’assemblée générale constitutive synonyme d’acte de naissance du mouvement de Mourad Sassi, des représentants de la diaspora auraient fait allégeance à Saïd Bouteflika. Il parait même que le MNGL aurait déjà ouvert environ 80 officines hors du pays. Une phrase à prendre au conditionnel, car on n’a vu ni ces bureaux ni la moindre réalisation des Sassi boys.
Il y a lieu également de se poser une toute autre question : Faut-il déduire que la communauté algérienne est acquise à la nouvelle création du clan Bouteflika, parce qu’une poignée de personnes a décidé de prendre part au festin de l’hôtel Safir d’Alger?

Les Algériens du Canada devraient ouvertement prendre leurs distances avec des gens qui cherchent par tous les moyens à imposer leur leadership sans aucune concertation. Qui sont-ils? Est-ce les mêmes activistes zélés du politically correct qui accompagnent d’habitude notre député météore dans ses va-et-vient entre Alger et l’Amérique du Nord? Ou des participants à l’université d’été de la communauté algérienne établie à l’étranger, organisée à Alger à coût de millions par l’un des ministres les plus incompétents?

À ces messieurs je poserais la question suivante : De quels mensonges allez-vous nous abreuver, vous qui pourtant savez comment fonctionne une démocratie digne de ce nom? Que quelqu’un qui n’a connu que les pratiques du FLN succombe aux sirènes, c’est tout à fait compréhensible. Mais les mots manquent quand des « zélites », qui bénéficient du luxe que procure un État de droit comme le Canada, souscrivent à la propagande (et aux festivités) de la République de tous les excès. Celle de Mourad Sassi et Saïd Bouteflika. Que ces gens sachent que l’hydre connaitra un jour son agonie.

Arezki Sadat - Collaborateur/Chroniqueur