La première semaine de juin nous a offert des émotions extrêmement fortes, de celles qu’on attend des années. Tout le monde a eu sa part : aussi bien les passionnés de la politique, que les férus du soccer, le « true football », véritable religion sur terre. Hormis au Canada.

 

Les villes algériennes ont renoué avec les débordements juvéniles et la liesse après la victoire de nos Fennecs contre l’Égypte dans un match crucial dans la course pour un billet pour le Mondial 2010. Des scènes qu’on croyait à jamais révolues ont rejailli aux quatre coins du pays. Les rues d’Alger, Constantine, Oran ou Tizi Ouzou ont été prises d’assaut par une foule en délire. La diaspora algérienne n’est pas restée muette. Les Algériens se sont donnés à cœur joie à Marseille, Pretoria, New York ou Montréal. Pour eux, chaque match des Fennecs, c’est « The Biggest Show on Earth »! 

La victoire sur les Pharaons d’Ali Shehata ne doit pas occulter les innombrables problèmes que connaît notre sport roi, à commencer par les insuffisances des joueurs opérant dans le championnat local. Comment expliquer que des vedettes adulées à Alger ou Oran n’arrivent pas à s’imposer dans des clubs de divisions inférieures en France, en Allemagne, voire même en Suisse, à l’instar des Fodil Hadjadj, Nourredine Daham, Hocine Achiou, Hocine Metref et Hadj Bouguèche. La liste est encore longue. Depuis Saifi, personne ne brille. Cela explique en partie pourquoi le « made in Algeria » n’est plus à la mode. 
En même temps, d’obscurs jeunes joueurs camerounais ou maliens arrivent à se faire un nom dans notre ligue. Des joueurs beurs issus de clubs du second ou troisième palier sont devenus des stars chez nous, tel Khaled Lemouchia, le milieu récupérateur formé dans un club de CFA2! Il suffit de jeter un coup d’œil sur les noms des buteurs lors du match de Blida (tous formés en Hexagone) pour se rendre à l’évidence que sans du sang beur, notre équipe nationale n’a aucune chance dans les joutes africaines.

À vrai dire, notre football souffre de tous les maux possibles : une fédération soumise au diktat de clans politiques, des clivages sur fond de régionalisme, des gestionnaires rancuniers et incapables de diriger un club sans créer la zizanie au sein des joueurs, violence verbale des dirigeants de clubs souvent n’ayant rien à voir avec le monde du sport, violence tout court des joueurs sur le terrain et des supporters en dehors, propension à d’incessantes valses d’entraîneurs, formation de jeunes délaissée (n’a-t-on pas décidé de laisser au pays l’équipe espoirs au lieu de l’envoyer aux prochains Jeux Méditerranéens de Pescara à cause de son faible niveau?), des clubs endettés et qui rivalisent dans des dépenses folles sur le marché des transferts, alors que les jeunes crient famine… Ajoutez à cela la récupération politique, dont nos dirigeants sont des spécialistes invétérés, et vous aurez tous les attributs d’un sport agonisant. D’autres disciplines connaissent des situations similaires, pour ne pas dire pires.  

L’autre fait notable du mois, c’est sans conteste la disparition de l’un des dictateurs africains les plus répugnants : Omar Bongo. Ce symbole de la Françafrique a régné sur le Gabon, l’un des États les plus riches sur le continent noir, tel un patriarche, grâce à des réseaux clientélistes concentrés autour de son fils Alain alias Ali et de sa vorace de fille Pascaline, et surtout avec l’aide soutenue de Paris.
Malgré l’assassinat de deux de ses citoyens dans des États clé de son pré carré, le procureur Bernard Borrel à Djibouti (il serait tombé sur des réseaux pédophiles incriminant l’actuel président de ce pays Ismail Omar Guelleh) et le journaliste Guy-André Kiefer en Côte-d’Ivoire (le Franco-Canadien avait enquêté sur le narco-trafic et la corruption dans la filière cacao reliée au clan du président Laurent Gbagbo), la France n’a pas jugé bon de lâcher ses amis africains. Ainsi, Bongo a été ménagé jusqu’à son dernier souffle. 

Même dans la mort les dictateurs africains sont privilégiés. Eux qui ont l’indécence de brandir le bilan de leur règne fictif à chaque critique, préfèrent toutefois agoniser dans des cliniques européennes. Un représentant de cette espèce en voie d’extinction, qui se taille des constitutions sur mesure, a préféré opter pour le calme de Genève, après avoir par le passé « visité » l’hôpital parisien de Val-de-Grâce.
Bongo lui a choisi Barcelone. Tout s’est passé dans l’opacité la plus totale. Personne ne sait de quoi est-il mort. A-t-il été emporté par la même maladie qui a coûté la vie à son épouse il y a quelques semaines? Certains évoquent le virus du siècle passé. 

Difficile de ne pas citer la déclaration d’un député français à la franchise légendaire, le Vert Noël Mamère : « On ne va pas pleurer sur une crapule de plus qui disparaît de la planète. Tous ceux qui sont attachés à la démocratie ne pleureront pas la mort du président Bongo. C’était le symbole de tout ce que nous dénonçons depuis 30 ans, c’est-à-dire la Françafrique, ces relations incestueuses, mafieuses entre quelques gouvernements africains et la France, de gauche comme de droite d’ailleurs », déclara-t-il.

Il se trouve que Mamère est le seul homme politique français qui s’est opposé à l’empire Khalifa. Il chassa le pitoyable dandy algérien de sa ville de Bègles, quand celui-ci essaya de jeter son dévolu sur le club de rugby local avec l’aide de Gérard Depardieu, l’acteur aux solides connexions avec le pouvoir algérien.
Qui a oublié que le maire Mamère fut la cible d’attaques virulentes d’une partie de nos journalistes, dans lesquelles excella un certain Maâmar Djebbour? Il faut dire que ce pseudo-journaliste est intouchable. Son affiliation à la famille d’un puissant général lui procure tous les privilèges. Djebbour, agronome de son état, a été coupable de graves délits dans l’affaire Khalifa, mais par miracle il n’a pas eu à connaître les murs de la prison de Serkadji. Il demeure toujours une vitrine des rédactions sportives de nos médias lourds.

Ce n’est pas le cas d’Ighil Meziane, lui aussi incriminé dans le scandale Khalifa. Sa vie a pris un virage dramatique. En dépit de son statut d’ex-coach de l’équipe nationale, depuis quelques années il croupit derrière les barreaux. Le père de l’ancien défenseur de l’équipe nationale et du NAHD est récemment décédé. De tristesse ou de mort naturelle? Qui sait? Les larmes sont réservées à ceux qui ne sont pas nés sous la bonne étoile.
Un ancien international emprisonné, alors que l’artisan de la plus grande arnaque dans l’histoire de l’Algérie depuis le Coup de l’éventail se la coule douce sur les bords de la Tamise. C’est aussi ça le monde du football en Algérie. Françafrique, avez-vous dit?