À Montréal, vendredi 6 juillet 2012 à 22 h, la radio canadienne CFMB 1280 AM offre une plage horaire pour rendre hommage au grand maître du chaâbi kabyle Cheikh El Hasnaoui, en collaboration avec les journalistes Mourad Mahamli et Madjid BenBelkacem qui ont préparé le programme de chants de la soirée.

Son parcours

Né le 23 juillet 1910, à Ait Aissi, Tizi Ouzou, Cheikh El Hasnaoui, de son vrai nom Mohammed Khelouati, devient orphelin de mère déjà à l’âge de 2 ans. En 1930, il quitte son village natal vers Alger où il y travaille et fait ses premiers pas dans la musique en intégrant l’orchestre de l’incontesté maitre du Chaâbi Cheikh M’hamed El Anka et se perfectionne auprès du précurseur du chaâbi Cheikh Mustapha Nador. Il enregistre sa première chanson à Alger et se produit dans des cafés avec son bonjo et sa voix grave, ou comme la qualifie Lounès Matoub « d’abuzehhar ». Il quitte Alger en 1937 pour Paris où il enregistre l’essentiel de ses albums. En 1968, il arrête sa carrière et mène une vie discrète jusqu’à sa mort  à l’île de la Réunion le 6 juillet 2002, à  l’âge de 92 ans, à la suite d’une longue maladie.   

Son chant et l’exil

L’une des singularités de Cheikh El Hasnaoui est dans un premier temps la mixité linguistique. En effet, Cheikh a chanté 29 chansons en kabyle et 17 en arabe algérien, ce qui n’est pas de moindre importance pour son public berbère et arabophone pour donner l’exemple de conciliation entre les identités. 
Aussi, en chantant l’exil, avec sa première chanson « A Yemma, Yemma », à Alger en 1936, il révèle un vécu de l’émigration interne, de la kabylie vers d’autres régions d’Algérie notamment Alger, peu relatée par d’autres chanteurs. Il poursuit, également, avec « Maison Blanche », « Ya Noudjoum Elil », « Bnat Essohba » « Aqlagh Nesbek », « Lgherba Tewaer » et bien d’autres, à caresser le douloureux « rêve du retour » de l’émigrant au pays natal, bien contrasté par le fameux « emegrant dream » de l’émigrant d’aujourd’hui à l’affut de l’étranger.

Témoin d’une époque

EL Hasnaoui est certainement le témoin d’une époque de conservatisme ambiant où l’on peut marier une fille très jeune à un homme âgé (Bu Tabani), où l’argent peut influencer le choix pour un mari. Dans « Tiqbayliyin », il témoigne aussi de ce que les femmes kabyles enduraient du lourd fardeau de l’émigration de leur époux et tout son lot d’épreuves de la réalité d’avant la guerre de libération à laquelle elles doivent faire face. Il fait l’éloge de leur courage et leur rend hommage.

Le chagrin d’amour

La démarcation par laquelle El Hasnaoui se distingue réside dans le fait de révéler, d’expliciter son amour, dans « Tenghid-iyi », à l’époque de la retenue du senti,  de la résignation face à la douleur  et du dictat du non-dit. Donnant un ton audacieux, voire transgressif, par lequel son amour s’est frôlé une voie libératrice incitant sa valentine « Fadhma », dans « Ma Tebghid a Nruh » et « Ma Tebghid-iyi », à le rejoindre. D’un cœur atteint par la flèche de Cupidon, El Hasnaoui  s’inscrit dans le registre des inconsolables.

La relève

Plusieurs chanteurs tels que Lounès Matoub, Abdekader Chaou, Lounès Kheloui, Takfarinas, Kamel Messaoudi, etc. ont rendu hommage au cheikh, soit en reprenant ou en adaptant ses chansons, soit en l’évoquant dans leurs propres chansons. Toutefois, seul Lhasnaoui Amectuh, de son vrai nom Madjid Ait Ramdane, né en 1953 à Ath Ouacif, Tizi Ouzou, peut être considéré comme le digne héritier. Lhasnaoui Amectuh a su donner, à travers ses reprises et même ses propres productions, un nouveau souffle au style et à l’âme des œuvres du maitre, tout en gardant leur authenticité.