J’appartiens à un courant de pensée - naguère clandestin et aujourd’hui à peine toléré - qui assument la berbérité du sou continent nord africain. Nous avions revendiqué cette identité alors qu’une chape de plomb couvrait partout notre voix parce qu’elle correspondait à une réalité historique et sociologique



Notre peuple, notre culture s’étendait- cela depuis la nuit des temps - de l’Oasis de siwah en Egypte jusqu’à Melilla, aujourd’hui espagnole, ou les Iles Canaries bien au Sud et de Bizerte à Tombouctou. En somme, notre aire géographique c’est toute l’Afrique du Nord à l’Ouest du Nil, de la mer Méditerranée jusqu’à la savane africaine.

Certes, il ne faut pas rechercher une quelconque unité politique de ce vaste ensemble, d’autant plus que les conditions géographiques ne s’y prêtaient pas. En effet, nous sommes une contrée de déserts et de reliefs montagneux qui ont compartimenté le paysage et chaque compartiment était appelé à s’autogouverner en toute liberté. Finalement très peu de gouvernants centraux ont eu la capacité de maintenir ce vaste ensemble. Ce fut le cas relativement avec la Rome antique, les dynasties religieuses almohade et almoravide, la sublime porte (empire ottoman) laquelle n’a pas pu s’emparer du Maroc et de la colonisation française en passant par l’occupation Turc. Rectifs à toute centralisation, nos peuples ont vécu en hommes libres d’où le nom qu’ils se sont donnés : Imazighen (berbères)

Les indépendances recouvrées, les anciennes limites administratives Turques ont été conservées pour ériger de nouveaux états: Maroc, Algérie, Tunisie, Libye. Au sud le découpage s’est fait en fonction des richesses minières comme à l’époque et c’est pourquoi la population Targuie s’est vue éclatée sur six états. Mais partout le fait amazigh (berbère) a été occulté, marginalisé,…

C’est vrai que dans le feu de la résistance au colonialisme la revendication amazighe (berbère) s’est éclipsée pour ne pas diviser les rangs des insurrections et prêter le flanc aux tenants de la répression.

Il se disait, en toute confiance, qu’à l’indépendance, les droits culturels du monde berbère ne pouvaient pas ne pas être reconnus. C’était se méprendre lourdement quant à la nature des régimes post coloniaux. Ces derniers, très rapidement, ont mis en place des sociétés de prédation aux antipodes de toutes les idées de progrès prônées lors des luttes de libération. Ces pouvoirs ont partout érigé l’arabisme et L’islamisme comme fondement identitaire de nos sociétés et ont délibérément exclu la dimension amazighe (berbère) qui avait le sceau de la légitimité.

Toutes les constitutions ont prôné l’islam religion officielle, l’arabe l’unique langue nationale et officielle reléguant l’amazighité (berbérité) au statut de racine à conserver soigneusement sous terre, sans aucune projection sur le futur.

Partout, les populations ont été forcées de s’arabiser d’assimiler un islam rigoriste. Toute revendi cation amazigh (berbère) se voyait entravée par mille et un subterfuges, réprimée dans le sang lorsqu’elle gagnait en ancrage et en extension. Ce fut le cas lors du printemps noir de 2001 en Algérie où l’on enregistre plus de 120 morts et plusieurs centaines de blessés, dont certains handicapés à vie. Malheusement+ une presse nationale fort complaisante avait réduit la portée de l’événement; de même les ONG étrangères ne se sont impliquées que timidement.

Certes un peu partout, les pouvoirs locaux, contestés également en raison de leur échec sur les plans économique, politiques sociaux ont accepté formellement de lâcher du lest sur le plan de l’amazighité (berbérité). Pratiquement tous reconnaissent le caractère national de cette culture, par contre tous lui dénient une officialisation pour la réduire à une dimension strictement folklorique.

Hélas, pour notre revendication, même les Etats démocrates européens, soucieux de préserver leurs intérêts matériels et surtout leurs privilèges dans leurs relations avec nos contrées préfèrent conserver le statut quo actuel et ne pas faire cas de notre revendication. Cette attitude complaisante n’est elle pas aussi le résultat d’une méconnaissance des réalités ? A l’exemple de ses prédécesseurs « de gauche, de droite ou du centre » qui taxaient l’Afrique du nord de Maghreb arabe et ses habitants d’arabo musulmans, nous avons vu le président français parler d’arabes ayant libéré la Libye alors que le fer de lance était constitué de berbères dont l’engagement répondait à leur volonté d’en finir avec un régime répressif.

Il faut se rendre à l’évidence que ce sont les populations amazighes (berbères) – parce que les plus opprimées – qui ont constitué le socle sociologique de la revendication démocratique dans tout cet espace Nord- africain. Verra-t-on cette revendication confisquée par l’islamisme ? Une dirigeante, députée, d’En-nahda, a clamé haut et fort que la Tunisie sera arabo - musulmane et que l’ amazighité relevait d’une version régionaliste. La messe est dite.

En Libye, le pouvoir en place prône la charia comme fondement de la constitution; c’est la négation pure et simple de la berbérité. Au Maroc, malgré une officialisation, il y a tellement d’obstacles à la promotion de l’amazighité qu’elle mettra des siècles pour les surmonter. En Algérie, l’Amazighité relève d’un Haut Commissariat dépourvu de tout moyen d’intervention. En Mauritanie, il y a même un dénie de reconnaissance. En Egypte, on en parle comme d’un épiphénomène. En Espagne, on reste très éloigné d’une reconnaissance quelconque.

Jusqu’à quand va durer cette injustice ? Sommes-nous les damnés de l’histoire ? Certes, des peuples ont disparu, mais ils l’on été à des moments où ils étaient inconscients de leur devenir. Or, nous, nous sommes pleinement conscients que des pouvoirs malveillants entreprennent tout pour nous faire disparaître. Cela nous fait mal.

Des clientèles du pouvoir sont rémunérées pour accréditer l’idée que ce sont les populations berbères, dans un élan de patriotisme digne d’éloges, qui soutiennent une arabisation inscrite dans l’islam. Malgré tout la répression n’a pas tué nos espérances, n’a pas bridé notre volonté. Dans nos pays de nombreuses voix s’élèvent pour s’indigner de ce déni identitaire. Nous réagissons du mieux que nous pouvons, en dépit des pesanteurs.

Dans cette instance, nous avons à nous mobiliser pour chercher des oreilles attentives à notre cri. Cette honorable assemblée doit se rendre à l’évidence : Chaque culture qui se meurt, c’est un pan de la démocratie qui tombe. Et, il ne tombe pas seulement chez nous, il tombe également chez vous en Europe. Le monde avancé, aujourd’hui, ne peut être un havre de paix, de liberté, de démocratie dans un océan de conflits, d’oppressions et de dictatures.

Ou bien, la démocratie s’étend et elle doit gagner nos contrées pour des relations assainies; autrement vous finirez bien par connaître des règnes autoritaires et l’insécurité des lendemains

Déjà, votre liberté de circuler s’est réduite en raison de différents contrôles pour prévenir des opé rations terroristes. Que vous réserve demain si nos pays continuent de s’engluer dans le déni des droits de l’Homme?

C’est dans ce sens que nous en appelons à la conscience démocratique des pays avancés qui ont les moyens de changer le cours des choses par des pressions accrues sur nos régimes rétrogrades. Ils doivent être acculés au respect des normes qui constituent les valeurs universelles des droits de l’Home. La démocratie ne se limite pas à l’acte technique de voter. Elle est d’abord le respect des valeurs humaines. L’une de ces valeurs, et même pour socle, c’est bien la reconnaissance des identités culturelles.