L’histoire est à dormir debout. Une Algérienne établie au Québec et mariée à un Guadeloupéen a mis dehors ses parents en pleine période de confinement.

Les infortunés parents, originaires de Béjaïa, n’ont pas voulu ébruiter l’affaire, à savoir avoir subi malgré eux l’humiliation de leur vie. Une mésaventure qu’ils n’oublieront pas de sitôt. Ils ont eu leur visa pour rendre visite à leur fille installée au Canada depuis quelques années. Le 15 février, la mère et le père, âgés respectivement de 70 et 79 ans, atterrissent à Montréal à bord d’un vol Air Algérie, tout contents de revoir leur fille. Celle-ci, la quarantaine, mère d’une fille de 12 ans, est heureuse de recevoir ses parents, porteurs de chaleur familiale. En plein hiver rigoureux, ce genre de retrouvailles met toujours du baume au cœur, outre-Atlantique. Bien installés chez leur fille dans la ville de Saint-Bruno, au sud de Montréal, les septuagénaires ne semblent pas dépaysés. À leur arrivée, leur gendre était en mission à l’étranger. Entre-temps, le confinement a été imposé et les frontières canadiennes fermées. Coincés à plus de 6 000 km de Yemma Gouraya.  À son retour de mission, le mari n’a pas apprécié la présence “allongée” des beaux-parents. Dès lors, tout était prétexte pour le leur faire savoir, au point de rendre la vie difficile à des vieux, malades chroniques de surcroît ; la mère est diabétique et le père stomisé. Un samedi soir estival, il n’hésite pas à appeler la police pour les pousser à quitter la maison comme des malfrats. Les policiers tentent de le raisonner en lui invoquant le confinement et le contexte sanitaire.

L’homme ne voulait apparemment pas entendre raison. Et sa femme n’a rien fait pour protéger ses parents ni empêcher son époux d’agir ainsi. Plus tard, elle se justifiera, notamment auprès de ses sœurs en France et en Algérie, que c’est son époux qui était derrière la mésaventure de ses parents. Ces derniers n’ont pas voulu ébruiter l’affaire, c’est pour cela qu’ils ont requis l’anonymat. Le Guadeloupéen a jeté dehors, avec une rare violence, les valises de ses invités bougiotes. En sanglots, ces derniers se demandent intérieurement ce qu’ils ont pu faire au Bon Dieu pour mériter un tel sort. Un flux de souvenirs envahit la septuagénaire. Elle se rappelle quand son gendre est venu pour le parrainage de sa fille. Il était aux petits soins pour lui en Kabylie. Un taxi a été appelé pour les déplacer. Mais où ? Rapidement, un chauffeur de taxi, d’origine marocaine, arrive. On lui demande de les déposer dans un hôtel pas cher.

Connaissant le coin, le Marocain leur propose un établissement pas loin. En cours de route, une discussion s’engage, et la vieille femme étale, presque sans le vouloir, ce qu’il vient de leur arriver. Le conducteur n’arrive pas à en croire ses oreilles. L’histoire lui arrache une larme qu’il a voulu dissimuler à ses clients. Et au moment de débarquer, le chauffeur a catégoriquement refusé d’encaisser la course. Ébranlé par le récit de la vieille femme, le chauffeur de taxi appelle ses connaissances algériennes, et tombe sur un Oranais qui a relayé l’information dans son réseau, dont une connaissance de Béjaïa justement. Celle-ci appelle à son tour un ami, R. B., un ancien étudiant d’Oued Aïssi, à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. 

Solidarité spontanée   

Celui-ci les rencontre à l’hôtel. Après un échange laconique, R. B. prend des copies de leurs papiers pour les inscrire sur la liste de rapatriement au consulat d’Algérie à Montréal. Le lendemain, il repart les voir pour les inviter chez lui à Montréal-Nord, après deux jours passés à l’hôtel. Sur place, il trouve un autre couple venu aider les deux infortunés vacanciers. Chez R. B., ces derniers sont pris en charge. Comme on est à la veille des fêtes de l’Aïd, l’hôte du couple a choyé ses invités. Le séjour, qui a duré cinq jours à Montréal-Nord, leur a permis d’oublier leur mésaventure de Saint-Bruno. 

Mardi, R. B. se pointe au consulat pour compléter les formalités de rapatriement. Sur place, on lui promet de prendre l’affaire en charge. “Je suis venu dans un cadre humanitaire, si vous pouvez faire quelque chose”, s’est adressé R. B. au consul général qui a été sensible au cas qui lui était soumis. Les fonctionnaires du consulat découvrent que leur fille les a déjà inscrits sur la liste de rapatriement en avril. Un courriel de confirmation a été envoyé à la fille du vieux couple. Entre-temps, R. B. est submergé d’appels téléphoniques lui proposant d’aider le couple. Tout en saluant cette mobilisation spontanée de la communauté, il s’est engagé à prendre lui-même en charge les vieux compatriotes. 

La veille de leur départ, un courriel parvenu à R. B. informe que la femme ne figure pas sur la liste de rapatriement, contrairement à son époux. Elle s’évanouit. Sa fille installée en France l’appelle le jour même, puisqu’elle a reçu le courriel du consulat de la part de sa sœur de Saint-Bruno. Ce cafouillage pousse R. B. à vouloir tirer l’affaire au clair. Il rappelle le consulat, et finalement, les choses sont rentrées dans l’ordre ; les deux infortunés sont finalement inscrits pour le vol du lendemain samedi. L’avion a atterri à l’aéroport de Constantine. Pas loin de la Kabylie, mais très loin de Saint-Bruno et du supplice vécu par des parents qui ont juste voulu rendre visite à leur fille au Québec. 

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