Un bon matin, avec une détermination persuasive, Zizou Belkhadem décide d’enlever le masque de la Hachma (pas dans le sens de la pudeur, mais dans le sens du complexe d’infériorité) et mettre fin à son euphémisme.  Il tranche tout court d’affronter le Big Boss pour lui exprimer son vieux pieux vœu.  Il rentre dans la salle de bain pour un petit entrainement devant le miroir et ajuste sa posture.


Il s’entend dire : «Fakhamatouhou (son excellence), si votre jardin est mûr (Jnanek tab) le mien est encore pubère, mais pas vierge.  Votre koursi (chaise) m’intrigue et je veux l’essayer pour au moins un mandat de cinq ans, une seule 3ouhda et après on verra!  Fakhamatouhou, beau temps, mauvais temps, je me suis toujours montré disponible à votre  fameux signal de l’index et n’en parlons pas du majeur, quand vous m’envoyez me promener. Je vous donne ma parole, Fakhamatouhou, que je changerai mon appellation pour conserver, ad-vitam-aeternam, votre présence. Je m’appellerai Fakhamatouhou, Abdelaziz B.»

Content de sa préparation interview-ale,  il prend son portable et compose le numéro du président pour l’aviser de son arrivée.  Dans son bureau en forme sinusoïdale en allure d’une toupie, question d’être différent du bureau ovale des présidents du pays de l’oncle Sam, Fakhamatouhou est en plein travail, la tête baissée en lecture rigoureuse de multiples dossiers de la populace.  Le grincement des charnières et des paumelles réveillèrent à l'autre bout Fakhamatouhou et d'une main dans les airs invite Zizou à prendre place et à exprimer ce qu'il souhaitait formuler en demande.

Fakhamatouhou, votre jardin n’a pas vraiment encore mûrit (matabch jnanek) et cette décision que vous avez hâtivement prise me met mal à l’aise et me décourage.  Vous êtes notre président à vie et je suis prêt avec ma majorité législative, à rouvrir encore et encore la constitution et amender les deux premiers articles et en faire un qui précisera que l'Algérie est une République Démocratique et Populaire, l'Islam est la religion de l'État et Abdelaziz Bouteflika son seul et unique président.

J’ai pensé me présenter aux présidentielles de 2014, mais comme vous le savez, ma gang au bureau politique du parti insiste et persiste pour que je continue le parcours du combattant avec eux.  J’ai pensé tâter le terrain mais au fond de moi, je ne peux pas l’admettre.  Vous êtes mon idole et je ne veux pas que vous assistiez à mon acclamation pour prendre votre place.  Vous savez bien que la charia est mon point fort, ça se voit par la zabiba sur mon front.  Chère Idole, la disponibilité de l’eau disqualifie la lustration pulvérable (Ida hadara al maâ, batoula tayammum).

Ah! Fakhamatouhou, j’aime bien votre sourire acquiesçant mon vieux pieux vœu permanent.  Le signe approuvant votre écoute aux acolytes auxiliaires.  Maintenant je sors, je répandrai et sèmerais la nouvelle en leur disant que Jnane Fakhamatouhou mazal khdar (votre jardin est encore puérile). 

En fermant la porte derrière-lui, marchant vers nulle part et sa face au teint blême ressemblant à un pénitent à l’approche de la fin du jeûne, Zizou avait l'air défait et détruit.  Il arrête un moment, s’accroupit en se ramassant entre les jambes et s’effondre en sanglotant pour hurler, je veux être un président!

À suivre….