Ainsi, le gouvernement canadien a finalement réagi aux tueries auxquelles est soumise la population de Gaza en ce début d’année. Le ministre des Affaires étrangères Lawrence Cannon est sorti de son mutisme, avec la mine d’un enfant qui a vu le Père Noël, pour se féliciter de l’octroi de trois ou quatre millions de dollars (je ne sais combien au juste…Est-ce réellement important?) à des Palestiniens qui ne savent de quoi sera fait demain, si ce n’est de bombes israéliennes. On leur fait même goûter aux dernières trouvailles de l’État hébreu : des obus au phosphore blanc et, comble de la barbarie, les fameuses armes DIME, une technologie à base d’alliage de carbone, de tungtsène et de métaux lourds (nickel, cobalt et fer). Ces armes, dont les effets cancérigènes sont avérés, non seulement dévastent tout sur leur passage, mais causent à leurs victimes des brûlures insoutenables menant inéluctablement  à des amputations et des cancers.

 

Je me demande à quoi donc va servir l’aide « généreuse » du gouvernement de Stephen Harper. Va-t-on construire de nouveaux cimetières, puisque ceux existants sont déjà pleins? Devrait-on l’allouer à un soutien psychologique aux rescapés des atrocités israéliennes dans ce qui restera du ghetto de Gaza? Des rescapés, espérons qu’il y en aura plus que de cadavres…! L’honorable Cannon peut-il éclairer ma lanterne? Un jour peut-être…pour témoigner devant un tribunal international. Qui sait?

Une fois encore, le Canada a raté l’occasion de revoir sa politique étrangère qui n’a jamais été aussi tendancieuse. L’alignement sur la diplomatie américaine est devenu un boulet que traînent les gouvernements successifs de ce pays. Depuis des décennies, toute résolution de l’ONU jugée contraignante à l’égard de Tel-Aviv est étrangement boudée par Ottawa. Même les images des corps d’enfants palestiniens n’ont pas fait fléchir le ministre Cannon. Aucune condamnation d’actes ignobles perpétrés par une armée israélienne au service d’une caste de sionistes fanatiques. Par leur attitude, les autorités canadiennes encouragent Tel-Aviv à continuer ses pratiques criminelles.

Alors que le sionisme est de plus en plus remis en cause, notamment par des intellectuels juifs, à leur tête l’historien britannique Tony Judt, les officiels canadiens se font petits de peur de susciter le courroux des dirigeants israéliens. Pourtant, nombreux sont les Juifs qui ne se reconnaissent plus dans une idéologie qui n’a pas fini de faire des ravages. Outre son caractère raciste, le sionisme, comme le dit si bien Uri Avnery, « constitue un obstacle au développement d’Israël ». L’inéluctable avènement au pouvoir à Tel-Aviv de Tsipi Livni, fille d’un chef du tristement célèbre Irgoun, l’un des groupes terroristes les plus violents qu’ait connu l’Histoire, augure de jours encore plus sombres. N’a-t-elle pas d’ores et déjà annoncé que tous les Israéliens arabes seraient déportés hors des frontières du futur État hébreu?... Décidément, elle marche sur les traces de son père, qui n’a jamais nié être l’un des auteurs de l’attentat contre l’hôtel King David de Jésusalem, un jour de juillet 1946. Des dizaines de Juifs, de Musulmans et de Britanniques avaient alors perdu la vie. À ce jour, son « exploit » est considéré comme l’acte de naissance du terrorisme de l’ère moderne. 

Les communautés musulmanes du Canada ne sont pas dupes. Elles n’ont aucun espoir que les choses puissent un jour évoluer. Leurs revendications ne rencontreront qu’incompréhension et dédain. Nos coreligionnaires se trouvent du reste entre le marteau conservateur et l’enclume libérale.
Je comprends parfaitement le silence du ministre Cannon à propos des victimes palestiniennes. Il est conscient que ceux qui, par le passé, ont eu l’audace de critiquer les émules du sinistre propagandiste Zeev (Vladimir) Jabotinsky ont essuyé les foudres du lobby sioniste bien ancré dans les pays occidentaux. En outre, le chef de la diplomatie canadienne ne peut faire autrement, puisque celui qui lui a offert la « job » croit dur comme fer qu’une Terre Sainte sous domination sioniste équivaut à la garantie de la venue du Messie tant attendu. On connaît l’idéologie des « born again ». Les Irakiens ont eu le temps de l’expérimenter sous les deux cadences de Bush Jr.

Pour les libéraux, par contre, c’est une affaire de sous. Ne comptez pas sur une quelconque surprise! Le calvaire que vivent les Palestiniens est le dernier des soucis de Michael Ignatieff . Je n’ai plus de doutes depuis que j’ai pris acte, la semaine passée, du message de l’un des apparatchiks du Parti libéral, en l’occurrence Liza Frulla. Dans le confort d’un studio de télévision, elle s’extasiait devant « la contribution des Juifs pour le Canada » pour expliquer le peu d’empressement du gouvernement de Harper à condamner la politique de terreur d’Israël : « Les Juifs nous ont donné l’Orchestre Philharmonique de Montréal! » (sic!). L’animateur de Radio-Canada, le vénérable Simon Durivage, ne croyait pas ses oreilles. Moralité : les Musulmans du Canada doivent se montrer généreux pour espérer avoir la compassion de l’ « experte » d’un parti aux caisses vides...

Les propos de Frulla reflètent l’aveuglement et la cupidité des Libéraux canadiens. Le gourou présomptueux des nécons américains Edward Luttwak, le chantre de la « première géoéconomie » qui estime qu’il faut faire la guerre là où les intérêts économiques appellent la patrie, n’aurait pas fait mieux! Autrement dit, les armes doivent être au service de la logique économique. Comme lui, les Libéraux sont capables de tout marchander. On ferme même les yeux devant la tragédie d’un peuple, autrefois l’un des plus entreprenants au Proche-Orient, que la communauté internationale a transformé en va-nu-pieds. Demain, la Russie, futur pourvoyeur en gaz de nos ports méthaniers sur l’Atlantique, pourra se livrer en toute quiétude à des exactions contre les pauvres Tchétchènes. Je me demande quelle serait la réaction de Liza Frulla, si un jour la France s’en prenait à sa chère Italie pour annexer la Sardaigne ou récupérer la ville de San Remo…

En ces temps de disette, les atermoiements de la diplomatie canadienne nous font regretter les temps où le Canada d’Ester B. Pearson et de Lloyd Axworthy était respecté et écouté, essentiellement grâce à son implication pour la paix sur tous les continents. Si notre pays a été, encore récemment, une référence sur la scène internationale, le mérite revient avant tout à ces deux personnalités. À côté de leurs acquis, les trois ou quatre millions de l’honorable Lawrence Cannon font piètre figure. Avec ce dernier à sa tête, gageons qu’on ne pourra escompter un quelconque redressement de la diplomatie canadienne. La dérive sioniste a encore de beaux jours devant elle…Et combien de morts?